OASIS – Dig Out Your Soul
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On (c’est-à-dire les autres) a été très injuste avec Oasis. Parce qu’au fond, que reproche-t-on à la fratrie Gallagher ? D’avoir gagné par forfait, contre les plus présentables Blur ? N’aime-t-on pas en grande partie les Rolling Stones, parce qu’ils ont survécu aux Beatles ? D’avoir bâti toute leur carrière en copiant (mal, disent les mauvaises langues) les poses et la musique du Swinging London ? C’est quand même plus bandant que de singer le blues du Delta des années trente comme le font les White Stripes. Qu’est ce qui vous fait le plus rêver ? Se taper Twiggy sur la banquette d’une Aston Martin ou chanter sur douze mesures "Ma femme est partie/Avec mon meilleur ami/En emportant le poulet frit" ? D’avoir eu des paroles au mieux malheureuses, au pire stupides sur Damon Albarn, les trois quarts des groupes anglais des année 90, les travaillistes, maman Gallagher (et j’en passe) ? Parce qu’il vous emmerde pas, peut être, Thom Yorke, quand il parle d’aller aux concerts en vélo, alors qu’il fait moins quinze ? Non, vraiment les Mancuniens méritent bien mieux que tous ces jugements moralisateurs.
Parce que pour une grande partie des récents trentenaires, Oasis reste un groupe essentiel. Il faut bien comprendre, que le milieu des années 90 n’offrait que peu d’alternatives aux adolescents en quête d’un groupe référence. En gros, on avait le choix entre porter des chemises à carreaux, des cheveux filasses et des pulsions suicidaires ; aller tous les week-ends dans la banlieue de Compiègne, y retrouver ses potes habillés en fluo pour secouer les bras dans tous les sens en attendant le passage où les BPM dépasseraient les 220 ; ou donc, décréter que "Il n’y a qu’une seule britpop et Oasis est son prophète".
Bien sûr, tout ceci (comme nous) a un peu vieilli. D’annulations de concerts en albums plus ou moins ratés, les frères Gallagher sont parvenus à dégoûter une grande partie de ses fans de la première heure. Mais nous avouons leur garder une réelle tendresse, et comme tous les trois quatre ans, nous étions là, le 6 octobre pour nous procurer leur 7ème album, successeur du à moitié (mais quelle moitié) réussi "Don’t Believe the Truth" (on dira ce qu’on voudra, mais ces gens ont quand même le sens du titre très con et donc parfaitement indispensable).
Alors qu’en dire ? Un nouvel Oasis se chronique-t-il comme les précédents (ce que fait une bonne moitié de la critique), en insistant sur le fait qu’il est rassurant qu’au moins eux ne changent pas ? Ou faut-il mettre l’accent sur cette nouvelle ambition psychédélique (c’est surtout visible dans la pochette), sur la répartition plus démocratique dans la composition des morceaux (Noel ne signe plus qu’une grosse moitié des titres), sur la voix en retrait de Liam ? Bref, sur des signes d’un changement, voire d’une évolution (ce que fait l’autre moitié de la critique) ? Et bien franchement ni l’un, ni l’autre. Ce qui nous intéresse chez Oasis depuis " Be here now " (c’est-à-dire depuis que pour beaucoup, Oasis n’est plus intéressant), ce sont les deux ou trois morceaux, que l’on va pouvoir extraire d’un album relativement moyen, pour les mettre dans son lecteur MP3 ou dans son auto-radio pour pouvoir chanter à tue tête "Go Let It Out ! Go Let It In" ou "I Get Up, When I’m Down" (on dira ce qu’on voudra, mais ces gens ont quand même le sens de la formule très conne et donc parfaitement indispensable). Et par rapport à ce critère (parfaitement stupide, reconnaissons-le), "Dig Out Your Soul" est une relative déception. Il n’y a pas a priori de véritables mauvais titres (sauf l’indianisant "To Be Where There’s Life", mais tous les titres indianisant sont mauvais), mais il n’y a pas non plus de titres réellement efficaces dès la première écoute, le morceau d’ouverture "Bag It Up", étant sans doute celui se rapprochant le plus de cette définition aussi partiale qu’inepte. Un album d’Oasis homogène donc, ce qui (on en a bien conscience) ne veut pas dire grand-chose.
Emmanuel Beal
Bag It Up
The Turning
Waiting for the Rapture
The Shock of the Lightning
I’m Outta Time
(Get Off Your) High Horse Lady
Falling Down
To Be Where There’s Life
Ain’t Got Nothin’
The Nature of Reality
Soldier On