CLARE AND THE REASONS – The Movie
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Un ami à qui je rendais récemment visite me racontait que son fils Thomas, deux ans et demi, aimait beaucoup le disque de Clare and the Reasons (et aussi jouer avec des dinosaures en plastique). Ses précédents coups de cœur étaient l’album "Giant" de Herman Düne et la reprise de "Laisse tomber les filles" par April March, ce qui prouve qu’il a plutôt bon goût. Même si les subtilités des textes échappent sans doute à Thomas, on peut comprendre pourquoi "The Movie" lui plaît tant : il y a dans cette musique une sorte de douceur maternante, qui s’adresse plus aux sens qu’à l’intellect. Chaque chanson est comme un cocon aux formes parfaites, dans lequel on aimerait se lover pour ne plus jamais en sortir. Ces gens-là sont de véritables enchanteurs.
Pourtant, ce disque aurait très bien pu n’être qu’un bel objet rétro et un peu vain, le genre qu’on passe quand on reçoit des invités dont on ignore les goûts musicaux. Mais ce véritable orchestre d’une douzaine de musiciens, mené par l’Américaine Clare Muldaur Manchon (fille du chanteur folk Geoff Muldaur) et son mari, le Français Olivier Manchon, n’est pas du genre à appliquer des formules toutes faites. Bien sûr, on sent qu’ils ont été bercés au son du plus beau songwriting américain classique, de "Moon River" à "Over the Rainbow", et qu’avoir un son à la mode est bien la dernière de leurs préoccupations. "The Movie" n’est pas pour autant une simple contrefaçon du Broadway fifties, parce que ses auteurs ont une palette d’influences beaucoup plus étendue (les chœurs, par exemple, évoquent très fortement les Beach Boys), et tout simplement parce que ce sont de jeunes New-Yorkais d’aujourd’hui, pas des personnages de "Breakfast at Tiffany’s".
On n’est pas étonné de retrouver sur "The Movie" les grands Sufjan Stevens (sur un duo) et Van Dyke Parks (derrière un piano), amis du couple Muldaur-Manchon. C’est la même conception suprême de l’écriture de chansons qui est à l’œuvre ici. Le but n’est pas que les mélodies se retiennent à la première écoute (elles sont trop subtiles, complexes et sinueuses), mais qu’on puisse encore les savourer à la centième. Le travail sur les arrangements, œuvre de l’ensemble des musiciens, est absolument exquis : bruits de nature ("Under the Water"), pizzicati ("Pluto", "Cook for You"), clochettes ("Alphabet City"), une guitare discrètement jazzy un peu partout… La prise de son très naturelle, au plus près des timbres de chaque instrument, donne tout son lustre et toute sa dimension à ce remarquable travail d’orchestration, qui culmine sur une géniale reprise du "Everybody Wants to Rule the World" de Tears for Fears (rajoutée au tracklisting d’origine sur l’édition française). La cerise sur le gâteau – ou le grain de sel sur le bretzel, pour rester à New York – reste bien sûr la voix de Clare, caressante comme une brise printanière, franchement irrésistible quand elle chante "I like to cook for you in my underwear" sous une pluie de cordes. Le petit Thomas n’a pas fini d’écouter Clare and the Reasons. Moi non plus.
Vincent Arquillière
Pluto
Nothing/Nowhere
Under the Water
Alphabet City
Cook for You
Rodi
Sugar in My Hair
Everybody Wants to Rule the World
Go Back
Love Can Be a Crime
Science Fiction Man
Pluton