GUILLAUME CANTILLON
Guillaume Cantillon est à l’image de son premier album solo, "Des ballons rouges" : simple et chaleureux, sans prétention ni chichis. Attablé dans un café de la rue Saint-Maur, en face des locaux de son label Cinq7, le chanteur de Kaolin parle famille, amis, enfance, GS et ciels d’Espagne. Rencontre avec un homme heureux.
Aurais-tu pu sortir cet album plus tôt ?
J’aurais adoré sortir ce disque à vingt ans plutôt qu’à trente-six, même s’il aurait été forcément différent, mais il manquait l’étincelle qui fait qu’il existe. Il a fallu qu’on me pousse un petit peu, qu’on m’éclaire, pour que je prenne conscience que j’avais peut-être des choses à faire tout seul. La personne décisive, ça a été Edith Fambuena. Elle était avec nous en studio lors de l’enregistrement du dernier album de Kaolin et elle avait entendu quelques morceaux que je jouais pour passer le temps.
Le choix de travailler avec elle s’est donc imposé comme une évidence ?
Oui. On se connaît bien avec Edith, on est amis. Je la respecte pour plein de choses, en tant que femme, musicienne, réalisatrice. Elle m’a juste demandé de lui faire écouter mes démos, et après ça elle m’a dit qu’il y avait quelque chose à faire ensemble. J’y ai réfléchi et je l’ai rappelée. Elle avait des idées sur la façon de faire le disque, qui consistaient principalement à garder au moins les trois quarts des démos. Elle avait peur qu’on ne retrouve pas la même fraîcheur en refaisant les morceaux en studio, et elle avait envie pour une fois de travailler à partir d’une matière existante, de façon très naturelle et spontanée.
Tu as parlé de ton projet avec les autres membres de Kaolin ?
Oui, bien sûr. Ce groupe, c’est comme une famille, et je voulais avoir l’aval de tout le monde. Au départ, c’était difficile de faire comprendre le projet, mais en gros ils sont partis en vacances et moi pas, à la place j’ai fait le disque. (rires) Les chansons ne pouvaient pas atterrir sur un album de Kaolin car elles sont très autobiographiques, elles parlent de tout ce qui m’a construit et disent pourquoi je suis là aujourd’hui. Une ou deux ont failli se retrouver sur le dernier, mais vu qu’elles abordent des sujets très personnels, comme mes enfants, les autres ne s’y reconnaissaient pas.
Tu n’avais pas peur que le fait de sortir un album solo maintenant soit mal interprété ?
C’est vrai que ça me désigne un peu comme le leader de Kaolin alors que depuis nos débuts, il y a dix ans, on fait justement en sorte qu’il n’y en ait pas dans le groupe. Est-ce qu’on a raison ou pas, je n’en sais rien, mais en tout cas c’est notre façon de fonctionner, collectivement. Là, c’est quelque chose de différent, mais je dois quand même régulièrement me justifier. Par exemple, ma mère ne comprenait pas pourquoi mon frère, qui joue dans Kaolin, ne participait pas à mon album solo… Elle insistait pour que je le prenne ! (rires) Mais bon, c’est pas grave, j’assume totalement ce disque aussi bien que ce que je fais avec le groupe. Je disais que Kaolin est une famille, ou un groupe d’amis, et chacun est libre d’aller voir ailleurs s’il le désire. Ce n’est pas un couple, je n’ai pas le sentiment d’avoir commis une infidélité. Et au fond, faire des choses à côté, ça "ressource" beaucoup. On a commencé à travailler sur le prochain album et on le ressent tous.
"Des ballons rouges" semble s’inscrire dans la lignée de votre dernier album, "Mélanger les couleurs", qui était plus direct que les deux précédents dans les mélodies et les textes.
Sans doute, mais je ne peux pas trop présager de la suite, je ne sais pas comment sonnera le prochain Kaolin ou mon prochain album solo – car j’ai bien envie d’en faire d’autres. C’est vrai que là, je souhaite aller davantage vers quelque chose d’ensoleillé, vers l’épure, la simplicité, être moins dans le lyrisme, la complexité, le métaphorique, la prise de tête, le "j’me touche un peu"… Les chansons qui me plaisent le plus sont des chansons très pop, très simples, même si je me rends compte que derrière, ce sont des cathédrales. Et puis ça va au-delà de la musique, il y a quelque chose d’indéfinissable qui fait que ça te parle. J’aime quand une chanson touche tout le monde, je ne veux surtout pas tomber dans l’élitisme.
Où le disque a-t-il été enregistré ?
A Saint-Emilion, chez mon pote Doriand qui chante "On aimerait bien" en duo avec moi sur l’album. C’était dans un ancien chai, autant dire qu’on a bien picolé… On a aussi fait des boums, on a invité des gens, on a fait de la cuisine et de la musique. Tout ça mêlé, et ça se retrouve sur l’album. Je n’étais pas en vacances, mais quand même un peu ! (rires)
La plupart des morceaux, aussi bien sur les albums de Kaolin que sur "Des ballons rouges", sont en français. C’est un choix naturel pour toi ?
Oui, même s’il y a un morceau en anglais sur l’album, "Hello, Hello". C’est le dernier que j’ai écrit, pour mes deux petites jumelles. C’est venu en anglais car ça correspondait sans doute au côté très pop du morceau. Le texte rend d’ailleurs hommage aux Beatles et aux Beach Boys. Dès le début de Kaolin, j’ai essayé d’écrire en français avec une culture anglo-saxonne. Et là, ce morceau a été un déclic : pour le prochain album de Kaolin on a commencé à faire des chansons en anglais, en se lâchant un peu, même s’il y en aura encore en français. Il y a un vrai plaisir à chanter des textes en anglais, même sans avoir un accent de folie et un niveau de langue dément.
L’album est vraiment centré sur l’enfance.
Oui, mais en lien avec ce que je suis aujourd’hui. Le morceau "C’était vachement bien" résume bien le disque. Le but n’est pas de dire "C’était mieux avant", ça je n’aime pas trop, mais plutôt : "Si je suis là aujourd’hui, c’est qu’il s’est passé tout ça avant". C’est comme une photo de ce qui fait qu’aujourd’hui je suis épanoui en tant que papa, musicien, ami… Ce n’est ni de la mélancolie, ni de la nostalgie.
Au moment d’écrire les chansons, tu ne craignais pas que les thèmes que tu abordes puissent paraître banals ?
Justement, c’est ce qui me plaisait. Après avoir écrit de façon assez métaphorique, en travaillant beaucoup la langue, j’avais envie de dire les choses de façon plus simple, et ainsi de leur donner plus d’impact. Je préfère dire "Putain, qu’est-ce qu’on se ressemble", plutôt que d’aller chercher un truc pas possible qui, finalement, ne me parle pas tant que ça. Des mots de tous les jours, mais en fait pas vraiment, car il y a des choses que j’arrive à dire en chanson et que je ne dirais pas au quotidien à ma famille et aux gens que j’aime.