THE VERVE – Forth
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Après le retour tonitruant de Portishead, on espérait que The Verve s’offre une cure de créativité aussi convaincante. Ce n’est qu’à moitié le cas.
« Sit and Wonder », au temps des Happy Mondays ou, à défaut, en plein coeur des 90’s, aurait probablement fait un bout de chemin sur tous les dance floors de la planète… Quinze ans, The Knife, Daft Punk, Justice et MGMT plus tard, on l’accueille comme une mauvaise blague entendue cent fois. Single que devraient adorer les college radios, « Love and Noise » manque de densité et n’a pas grand-chose à dire sinon que « l’amour est bruyant et douloureux… », révélation méritant bien une chanson, n’est-ce pas ? A vrai dire, on dirait de la dance de qualité datant de 1994/95…
Puis Ashcroft multiplie les formules clinquantes à deux sous, en prenant vaguement les auditeurs pour des cons, incapables qu’ils sont, probablement, d’aller eux-mêmes au bout de la logique narrative du bonhomme. Un exemple : « But I’d rather be here than be anywhere / if there anywhere better than here »… Que celui qui comprend l’utilité du second « vers » pose une bombe devant mon seuil…C’est d’autant plus regrettable que « Rather Be », donc, hormis son refrain téléphoné, dispose d’une certaine énergie et d’un travail sur les choeurs plutôt intéressant. Le disque prend de la hauteur avec « Judas », intimiste rumination sur… aucune idée. Notons ainsi que, pour la première fois depuis « The Drugs Don’t Work », The Verve met sa fragilité en avant, de manière plus que touchante, sans sombrer dans une complaisante psychanalyse chère à certains groupes anglais. Nouvelle réussite avec « Numbness », blues rugueux et empoisonné donnant l’occasion à Ashcroft de chanter comme il l’a rarement fait : d’outre-tombe, rocailleuse, sa voix se dissimule presque derrière les enthousiasmantes trouvailles du guitariste Nick McCabe.
On retombe quelque peu dans la machinerie fadasse avec « I See Houses », exercice fort réussi de succession de clichés en tout genre et de chorus qui, tel mon vieux EasyCopter, a toutes les peines du monde à décoller… « Noise Epic », dont la longueur est proportionnelle à son inspiration, ressemble à un mauvais trip d’Oasis période 1997-2002, se terminant par une tentative ratée de sonner comme un Sonic Youth énervé. Ennuyeux, tout simplement, même défoncé, j’en ai peur.
Il faut avoir la divine patience de subir les deux logorrhées suivantes, « Valium Skies » et « Columbo », pour retrouver le Verve exigeant et audacieux d' »A Storm in Heaven », à travers trois ultimes coups de butoir pleins à rabord de lignes dévastatrices, de chants fervents et d’atmosphères pesantes, que le groupe de Wigan prend le temps de mener à terme avec subtilité et intelligence. On commence déçu et finit enchanté. Dommage : un EP aurait largement suffi et aurait tout eu du grand disque que l’on attendait tant.