MAX RICHTER – Valse Avec Bachir (BO)
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D’une valse à l’autre. Formidable film d’animation travaillant la mémoire de soldats israéliens unis par la guerre du Liban, "Valse avec Bachir" est aussi le fruit d’un fécond pas de deux entre Ari Folman, réalisateur fasciné par la musique de Max Richter ("The Blue Notebooks" a accompagné l’écriture du scénario) et le compositeur allemand qui, dès qu’il fut contacté par Folman, a pris soin de se mettre à l’écriture pour lui délivrer, avant même le tournage de la première minute d’animation, l’ensemble des partitions. C’est peu de dire que les images du film sont désormais indissociables de cette musique : les séquences aquatiques notamment, oniriques et fulgurantes, ont donné lieu à une magnifique variation sur l’océan se déclinant en cinq plages au déroulé progressif, qui, si elles ne font pas oublier la dette due par le compositeur à Michael Nyman, contribuent à envoûter l’auditeur comme le spectateur. Max Richter s’est aussi amusé, entre autres, à piller Jean-Sébastien Bach, à se laisser hanter par la mémoire des romantiques (la "Marche Funèbre" de Chopin et la sonate pour piano D. 850 de Schubert dont les éléments apparaissent bouleversés d’une pièce à l’autre), à puiser dans son propre répertoire ("Shadow Journal", longue pulsation sourde marquée par les violons, emprunté aux "Blue Notebooks"). L’ensemble de ces pièces est peut-être ce que le compositeur a produit de plus abouti à ce jour. La satisfaction de l’auditeur ne saurait oublier la présence des deux tubes estampillés que sont "Enola Gay" (1980) et "This is Not a Love Song" (1983) : la première sert de parenthèse à une fête entre soldats sur un navire, et rappelle, par le contexte de la seconde guerre mondiale et l’apparente légèreté du morceau, les effets de contraste dans la représentation de la guerre (le film cite par ailleurs explicitement la scène de surf de "Apocalypse Now" et celle du sniper de "Full Metal Jacket") et la seconde, contemporaine de la Guerre du Liban, entre de plain-pied dans la narration (John Lydon en figure télévisuelle épileptique introduit le retour en permission de Ari qui cherche en vain à renouer avec son amoureuse). Il y a, dans la vision du film, quelque chose de fascinant à voir comment ces morceaux réveillent instantanément la nostalgie d’une époque dans un film d’animation qui, en dehors des indications historiques nécessaires, ne joue pas outre mesure sur les détails pittoresques ; c’est à la fois plus économe et saisissant que les références explicites à Kim Wilde, Kiss ou Michael Jackson dans le "Persepolis" de Marjane Satrapi. La BOF n’inclut pas en revanche les chansons sur le Vietnam détournées par des groupes rock israéliens. Peut-être moins politiquement corrects, les morceaux auraient aussi détonné par rapport à l’homogénéité des compositions de Max Richter.
David Larre
A lire également, sur Max Richter :
la chronique de « The Blue Notebooks » (2004)