EPIC – Aging Is What Friends Do Together
(Clothes Horse Records) – acheter ce disque
Tout Epic est résumé dans ce titre ironique et doux-amer. Sur ce premier album solo depuis quatre ans, et bien qu’il ait changé de label, délaissant Clothes Horse pour ses compatriotes de Hand’Solo, le plus atypique des rappeurs canadiens est égal à lui-même : faussement naïf, porté sur l’auto-dérision et adepte d’un humour décalé. Sur « Aging is What Friends Do Together », le MC grisonnant révèle son admiration pour un hockeyeur dont il ne sait plus trop s’il est russe, tchèque ou slovaque (« Ah Hemsky »), il ne désespère pas de devenir un rappeur crédible, même s’il habite dans un patelin, qu’il porte des lunettes (« Walking Around Town ») et que ses ambitions musicales ne font pas de lui un séducteur (« Move Home »), et il nous rappelle, en se comparant sur un ton pince-sans-rire à Public Enemy et à Big Daddy Kane, que les plus radicaux des rappeurs dorment eux aussi avec des chemises de nuit (« Sleeping Shirts »).
Avec cet éternel numéro de clown triste, avec ce statut de MC blanc perdu au fin fond des prairies canadiennes, avec ces cheveux poivre-sel qui trahissent son âge déraisonnable, cette voix timide qui paraît bien terne après le déchainement verbal d’un Bleubird (« Music Appreciation II ») et cette prédilection pour les boucles de guitare, certains, ceux qui ne viennent pas du rap, qu’ils l’apprécient ou qu’ils le snobbent, ont pu penser à tort qu’Epic n’avait pas grand chose de hip hop. Mais cela est faux, mensonger, à côté de la plaque. Tout décalé qu’il soit, il respecte scrupuleusement les canons du genre, ses références en viennent exclusivement. Il joue et se joue des clichés du genre à coup de « bitch » et de « gun », il salue ses homies, il rend hommage à sa scène locale (« The City »), et il s’emploie une bonne fois pour toutes à rappeler sa filiation unique sur « I Only Like Rap », une mise au point qu’il s’emploie à conclure par un définitif « Fuck Radiohead, this is Epic, I don’t rock, I rap!! ».
C’est le même Epic que sur les deux albums précédents. Mais les sons, eux, paraissent moins convaincants, moins consistants, du fait sans doute du grand nombre de beatmakers conviés par le Canadien sur ce nouveau disque. Soso produit encore le tiers des titres, mais Maki, Kutdown, Kils, Factor, Variax, Mattr et le français Roma se pressent également aux manettes. La formule est conforme au style habituel du rappeur. Comme dit plus haut, les guitares ont la part belle et le rythme reste globalement indolent, tout comme avant. Toutefois, contrairement aux sorties précédentes, domine sur cet album une impression de facilité, une absence de solidité, dues peut-être au retrait de soso (il y aurait d’ailleurs de l’eau dans le gaz entre les deux compères…), même si un Factor ou un Maki ne déméritent pas. Pour cette raison, sans doute faudra-t-il goûter d’abord à « Local Only » et à « 8:30 in Newfoundland » pour se faire à Epic. Mais pour ceux qui ne sont plus à convaincre, « Aging is What Friends Do Together » compensera ces quatre longues années d’attente.
Sylvain Bertot
A lire également, sur Epic :
la chronique de « Local Only » (2004)
la chronique de « 8:30 in Newfoundland » (2003)
Thirty-five
Touch Interlude
Ah Hemsky
I Only Like Rap
Some Things
Rhyming Into a Four Track (feat. Touch)
Sleeping Shirts
The City (Factor Mix)
Learning to Let Go (feat. Nomad, Andre & Roma)
Music Appreciation II (feat. Bleubird)
Move Home
Side Effects (feat. MC Homeless, Archer Hymnz & Kay the Aquanaut)
Walking Around Town
Trading Kyoto Credits (feat. Ira Lee & Maki)
The City (Mattr Mix)