WILLARD GRANT CONSPIRACY – Pilgrim Road
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Robert Fisher est de retour. Fruit d’une maturation musicale de près de cinq ans, et de la rencontre avec l’arrangeur Malcolm Lindsay, "Pilgrim Road", ce septième album de Willard Grant Conspiracy, se place dans une lignée mélodique volontiers crépusculaire et orchestrale. Tout au long des dix plages de l’album, c’est un savant mélange de folklore irlandais, de montées gospel et de violons qui s’enroulent autour de l’arbre mélodique. Proches de Nick Cave ou de Stuart Staples par le timbre vocal de Fisher ("Lost Hours") et par une majorité de titres accompagnés au piano, les chansons exploitent pleinement une veine mélancolique et obscure, portées à la fois par un amour des traditions country américaines et du folk anglais, auxquels viennent se greffer une tonalité orchestrale très européenne. A titre d’illustration, telle une véritable mini-symphonie de cuivres, cordes et vibraphone, "Painter Blue" évoque indifféremment David Ackles, Tom Waits et Kurt Weill, entre valse éperdue, Berlin des années 1920 et fanfare titubante. Le travail sur les cuivres est particulièrement réussi, comme cette trompette formidable dans "Miracle on 8th Street". Ce titre, justement, constitue peut-être le morceau le plus réussi. Emmenée par la seule batterie de l’album, cette chanson, tout en cassures rythmiques, relance le disque, l’empêchant de sombrer dans la simple litanie lugubre. "Vespers", reposant sur la voix de Fisher, plus noire et profonde que jamais, sur un quatuor à cordes, et sur ses chœurs funestes, reste l’apothéose de cette lumière noire qui surgit de tout l’album. L’utilisation de l’harmonium est particulièrement à propos sur certains titres, comme sur "Lost Hours", qui ouvre l’album. "The Great Deceiver" constitue, avec son chœur féminin répétant tel un mantra la même phrase ad libitum, et une guitare slide lumineuse, le seul moment rassurant de ce voyage sépulcral. La phrase musicale de ce morceau revient quelques secondes après la fin du dernier morceau, comme pour nous indiquer que, non, tout n’est pas perdu. Cet album, qui prend par ses textes le caractère de voyage initiatique et mystique, constitue une véritable bande-son pour nos nuits sans sommeil. Celles dont on sort les yeux humides.
Frédéric Antona
A lire également, sur Willard Grant Conspiracy :
l’interview (2006)
la chronique de « Let it Roll » (2006)
la chronique de « Everything’s Fine » (2000)
l’interview (1999)
la chronique de « Mojave » (1999)
la chronique de « Flying Low » (1998)
Lost Hours
The Great Deceiver
Jerusalem Bells
The Pugilist
Phoebe
Miracle on 8th Street
Painter Blue
Malpensa
Water & Roses
Vespers