HYACINTH HOUSE – Black Crows Country
(Talitres / Differ-Ant) [site] (acheter ce disque)
La référence directe a beau être subtilement californienne (Hyacinth House est un titre des Doors, sur L.A. Woman), il en faut bien peu à ce groupe scandinave pour dilapider toute ambiguïté à leur propos. "Black Crows’ Country" (ce titre déjà…) s’affiche sous les dehors d’une pochette austère, bien loin des rayons ensoleillés de Los Angeles. De Jim Morrison et sa bande, on comprend bien vite que ce n’est pas la ville qui a retenu l’attention de Hyacinth House, mais l’âme noire d’un groupe qui a su s’approprier le blues et autres musiques traditionnelles américaines. Car bien sûr, comme tous les bons groupes d’Europe du Nord qui se respectent, Hyacinth House fait dans l’Americana. Ou plutôt peut-être : comme (presque) tous les bons groupes d’Americana, Hyacinth House est scandinave. Bref, tout cela n’aurait aucune espèce d’importance si ce léger décalage géographique entre les inspirations musicales et l’environnement quotidien de cette formation ne leur insufflait cette attitude de décomplexion totale dans la façon d’aborder un genre bien codifié… dont Hyacinth House s’approprie joyeusement tous les clichés. Epargnons-nous une dissertation sur le sujet en lisant de haut en bas le tracklisting : tout y est ou peu s’en faut. Pour ce qui est de la musique, il n’y a pas tromperie sur la marchandise : on trouvera ici son lot de country-rock sombre, de banjo, guitare slide et voix éraillée, le tout tendu comme il faut d’explosions punk qui menacent le disque de part en part de leurs décharges électriques. Un album qui, sur le papier, ressemble donc comme deux gouttes d’eau à une référence du genre telle que "Secret South" de 16 Horsepower, avec un poil de ferveur mystique en moins. "Black Crow’s Country" est pourtant, et c’est là qu’est la surprise, un excellent album, qui fonctionne très bien, prenant, viscéral, suffisamment rugueux pour que la sincérité ne soit jamais remise en cause. Les jaillissements à l’harmonica, le tonnerre électrique, la voix même parfois, rappelleront aux plus franchouillards d’entre nous les premiers disques de Noir Désir, ce qui n’est pas franchement déplaisant. Au milieu de tout, ça quelques très beaux morceaux ("Swedish Signs on Monkey Island" ou "Lucky Stranger" avec leur violon fou) pourraient devenir des classiques du genre. Bien sûr, on sait que l’emballage est fait de matériau recyclé, mais c’est un vrai plaisir d’ouvrir la boîte.
Jean-Charles Dufeu
Rosewood Country Club
Black Crows’ Country
Road to Flowers
Lucky Stranger
European Rails
Whiskey Nights
Swedish Signs on Monkey Island
Numb the Heart
Mundus Vult Decipi, Ergo Dicipiatur
Pete La Las
Two White Men In a Black Car and a Ticket Out of Here (Take 86)
Beautiful Cold City
Unwieldy Farmers’ Blues