Loading...
disques

Marcel Kanche – Interview


C’est plutôt un privilège de rencontrer Marcel Kanche parce que l’homme est discret et ne fait que ce qui lui plaît. Comme ce « Dog Songe » par exemple, septième album d’une discographie méconnue et sans concession où la poésie des mots le dispute à l’âpreté des musiques. En bon artisan qui se respecte, Kanche est un loup solitaire, préférant polir à la campagne – et si possible dans l’ombre – ses petits galets discographiques. On vient à lui plus qu’il ne va vers les autres. C’est Mathieu Chedid, le premier, qui a apprivoisé la bête. Depuis, il signe des textes de loin, donne son avis quand on lui demande, apparaît ici et là sur des projets amis (« Le Sacre du Tympan » de Fred Pallem, « Maman » avec John Greaves et Les Recycleurs de Bruit). Bref, ce petit halo de reconnaissance suffit amplement à cet ex-rocker arty reconverti en vieux sage touche-à-tout.
Il sera en concert le 29 mai au Festival C’est dans la Vallée (à Sainte-Marie-Aux-Mines) et au Sunset à Paris les 4 et 5 juin 2008.

Marcel Kanche

Vous avez eu un parcours tortueux, parfois radical (avec votre groupe Un Département, notamment), est-ce que vous vous êtes enfin trouvé ?
Mon outil, c’est l’artistique. Je ne savais pas faire grand-chose d’autre. D’abord la peinture et par la suite la musique parce que c’est une forme plus directe. Je touche du doigt, à ce jour, quelque chose qui m’intéresse, mais je ne dirais pas que je suis comblé et j’espère ne jamais l’être d’ailleurs. Ce qui me laisse encore un peu d’espoir.

Musicalement, est-ce que vous avez le sentiment d’avoir atteint une forme de maturité ?
Oui, j’ai trouvé quelque chose que j’assume, chose que je ne faisais pas avant. Je suis arrivé à quelque chose qui ne me déçoit pas. Donc, oui on peut parler de maturité ou de paix.

Etes-vous plutôt dans une logique d’expérimentation musicale ou dans une approche plus naturelle de la composition ?
Bien plus que de transgresser les choses, il est plus difficile d’arriver à un discours simple. Aujourd’hui, j’essaie d’aller vers l’essentiel, c’est ce qui m’intéresse…

A quel moment ressentez-vous une justesse dans votre travail ?
Quand je travaille sur un sujet, il y a une évidence qui s’installe, totalement intime. Je pourrais d’ailleurs en rester là parce que pour moi l’essentiel est accompli. Après, il y a tout le parcours d’enregistrement et de production au cours duquel des doutes viennent à nouveau se greffer. Mais, à un moment donné, quand je suis tout seul dans ma boue, je suis très clair avec moi.

Vous semblez assez détaché, est-ce que vous prenez du plaisir à jouer votre musique ?
Oui, je commence à prendre un vrai plaisir sur scène parce qu’enfin j’assume vraiment ce que je fais. En revanche, pas tout seul. Je déteste jouer seul, je m’ennuie. Dans la musique que je fais, il y a beaucoup de matière qui disparaîtrait si j’étais seul pour la jouer. Ça ne m’intéresse pas du tout. J’aime beaucoup écouter mes camarades musiciens.

Donc, pour résumer un peu les choses, vous êtes plutôt un cérébral ou un terrien ?
Un céramiste, en fait. Je visualise la musique comme de la matière. D’ailleurs, je ressens les sonorités comme une palette de couleurs ou des cailloux que je peux manipuler de mes mains.

Votre rapport aux mots et à l’écriture ?
Mon rapport à l’écriture est de plus en plus important. Je suis de plus en plus auto-stupéfait par ce que j’écris et que je ne comprends pas toujours. J’élabore mes textes à partir de bribes qui me viennent souvent en marchant dans la nature. Je les retranscris. Je n’ai pas de thèmes, c’est totalement abstrait dans un premier temps. Récemment, j’ai compris un texte que j’ai écrit il y a plus de dix ans. Je fonctionne par métaphores, je n’ai pas envie de dire les choses directement. Je préfère les sublimer.

Est-ce que votre écriture pourrait se passer de musique ?
Pour l’instant, l’un ne va pas sans l’autre. J’ai écrit quelques nouvelles, des recueils de poésie et systématiquement, un jour ou l’autre, je leur colle du son. Donc, je ne suis pas encore prêt à me contenter uniquement des mots. Mais j’espère y arriver…

J’ai l’impression que chez vous les choses mûrissent lentement…
A ce niveau, c’est plus contradictoire car je peux être très impulsif, faire les choses vite. Souvent ça s’avère être une erreur d’ailleurs. Maintenant que j’ai cinquante ans passés, je vois des choses que j’ai faites il y a vingt ou trente ans qui reprennent un sens et que je retravaille. Donc je pense que je suis quelqu’un de lent sous un aspect vif et rapide.

Musicien, poète, peintre, céramiste… Vous revendiquez plusieurs modes d’expressions ?
Oui, absolument. D’ailleurs, c’est moi qui ai conçu la pochette du disque à partir des dessins de ma femme. J’ai toujours eu un rapport étroit au dessin, à la peinture et à la musique que je n’arrive pas à dissocier. J’ai l’impression que je m’ennuierais à ne faire que de la musique ou à pratiquer un instrument. Parfois, je laisse tomber tout ça et je fais de la maçonnerie, je retape ma maison. Je suis très manuel. Un façonneur…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *