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Festivals

Les Femmes s’en mêlent – édition 2008

Après l’anniversaire des dix ans en 2007, le festival Les Femmes s’en mêlent a entamé avec cette onzième édition une nouvelle décennie toujours consacrée au songwriting indie au féminin. Difficile de dégager des tendances devant la richesse du plateau 2008. En ce qui concerne POPnews ce sont principalement les Scandinaves et les Canadiennes qui ont retenu notre attention. Retour sur cet évènement qui vient juste de s’achever à travers cinq soirées où nous étions présents. En voici le compte-rendu.

Jeudi 17 avril : El Perro del Mar, Centre Culturel Suédois

Sarah Assbring / El Perro del Mar

Après avoir fait involontairement l’impasse sur Mai, nous commençons tout de même le festival en assistant au concert d’une Suédoise, Sarah Assbring, cachée sous le toujours intrigant pseudonyme d’El Perro del Mar. L’écoute attentive et répétée du précédent album de la demoiselle laissait dans l’expectative quant à la teneur d’une prestation en solo, dans la formule guitare/voix, sans le troublant et lointain arrière-goût sucré de la production dudit disque. Miracle, si cela ne tient pas à grand chose, cela fonctionne. L’ambiance instillée par Sarah n’est certes pas à la rigolade : la Suédoise semble avoir en permanence un gros sanglot dans la voix et ne s’exprimera qu’au minimum entre les morceaux. Mais quand elle tient une émotion, ne serait-ce qu’à un fil, elle réussit à nous y accrocher. Peut-être parce qu’on ne connaît pas les morceaux, il faut en convenir, ou peut-être parce qu’une interprétation plus banale au piano leur sied moins, les extraits de l’album « From the Valley to the Stars », déjà sorti en Scandinavie mais pas encore en France, séduiront moins.

Vendredi 18 avril : Promise and the Monster, Centre Culturel Suédois.

Quand Billie Lindahl entre dans la salle de concert, coiffure puritaine et robe sage de rigueur, on se dit qu’on ne va pas rigoler.
Les morceaux de « Transparent Knives », premier album sorti sur le label Imperial, disque (un peu trop vite) qualifié de folk gothique, plaident pour un dépouillement janséniste que la jeune femme se fait fort de ne pas démentir sur scène. Austérité prévisible, mais bien pimentée par deux aromates majeurs : tout d’abord, Billie chante divinement bien et atteint dans l’aigu une clarté que pourraient lui envier toutes les Stina Nordenstam et Anna Ternheim de Scandinavie. Par ailleurs, elle maîtrise aussi bien que José González l’art du fingerpicking et entremêle savamment les arpèges avec ou sans sa pédale à effets. Au premier morceau, l’impression d’exotisme glacé est saisissante, au second et au troisième, on commence à entrevoir un peu mieux les contours de son univers (et on se dit que le gothique relève ici autant d’une inspiration littéraire que d’un rapport d’attraction-répulsion pour le corps), au quatrième on s’ennuie un peu. La demoiselle n’a pas l’air tout à fait à l’aise, elle remercie plusieurs fois le public d’être venu, se félicite de ne pas devoir affronter les beuglements des buveurs de bière (et on la comprend parfaitement), lâche la guitare pour terminer debout sur un « I can’t do this anymore » parfaitement terrifiant, mais c’est elle la plus terrifiée. Après cet ultime saisissement, elle remercie à nouveau et s’éclipse pour revenir chanter a capella un beau morceau (qu’on suppose traditionnel) en suédois, et un nouveau folk sage et seyant. Sur la foi de cette prestation, on la souhaite assez vite scéniquement plus aguerrie et musicalement capable d’ouvrir en grand les portes de son univers. Ses qualités évidentes plaident en ce sens.

Mardi 22 avril : Poney Express, Les France Cartigny, The Concretes, La Maroquinerie

La soirée commence vers 20 heures, devant un public encore clairsemé, avec Poney Express, projet de Romain Feix (bassiste de Louise Attaque) et Anna Berthe (ex-chanteuse de Tétard). Une violoniste et un batteur à l’attirail léger complètent la formation. Le groupe joue environ les deux tiers de son premier album, « Daisy Street » (Atmosphériques), un disque pop-folk frais et spontané où le couple concilie influences américaines et britanniques (arrangements de cordes signés Sean O’Hagan des High Llamas), mais en chantant en français des textes entre poésie du quotidien et hommage à des groupes aimés (Violent Femmes, Belle and Sebastian…). Cette simplicité de bon aloi passe sans mal l’épreuve de la scène, qui semble l’habitat naturel de ces chansons souvent inspirées (« Les Femmes de Milwaukee », « Paris de loin », le très joli « Les Petits Matins »…). Grande rousse aux traits juvéniles, Anna joue les cow-girls de charme tandis que Robin s’acharne sur une basse qui ressemble à s’y méprendre à une guitare acoustique (mais avec deux cordes de moins). Loin des hymnes de stade de Louise Attaque – mais avec la même absence de prétention -, une charmante entrée en matière.

C’est ensuite une revenante qu’on retrouve : France Cartigny, dont le premier single est sorti en… 1985 (elle avait douze ans !), mais dont on retient surtout l’album sans titre qu’elle avait enregistré à la fin des années 90, et qui avait fait à l’époque son petit effet. Elle se produit désormais en trio sous le nom Les France Cartigny, avec Daniel Roux et son frère Sylvain Cartigny qui échangent basses et guitares selon les morceaux. France, elle, est toujours à la batterie, dont elle joue debout, au centre de la scène, tout en chantant. Beaucoup de nouveaux morceaux (de l’album « Les Meilleurs », chez Ocean Music/Naïve), beaucoup d’humour, beaucoup d’énergie, pas mal de boucan (façon rock indé US 90’s), mais très peu de mélodies. Avec sa bonne bouille et son franc-parler, France Cartigny inspire indéniablement la sympathie, mais c’est à peu près tout en ce qui nous concerne.

Les mélodies, c’est en revanche la grande affaire des Concretes, octette formé en 1995 mais n’ayant à son actif que trois albums (et deux compilations de singles et de morceaux rares). Le dernier, « Hey Trouble », qui accueille une nouvelle chanteuse, vient de sortir chez nous sur le label T-Rec. Visiblement inspirés par les girl groups et la pop anglaise la plus raffinée (Heavenly, Saint Etienne et consorts), affichant un chic décontracté (pantalons blancs très « yacht club », polo Fred Perry, imprimés vintage…), les Suédois livrent des morceaux à la mélancolie euphorisante, impeccablement arrangés. Certes, les hommes s’en mêlent beaucoup puisqu’ils sont largement majoritaires dans la formation, mais quand la musique est de cette qualité, on ne va pas chipoter. (V.A.)

Mercredi 23 avril, Joanne Robertson, Tujiko Noriko, Emily Jane White, Le Point FMR

Soirée « les femmes se la jouent solo » mercredi avec 3 fortes têtes qui donnent dans des registres variés. Expérimentation tout d’abord avec Joanne Robertson seule à la guitare. Forte d’études artistiques et d’expériences noisy avec les futurs, désormais archi connus, Franz Ferdinand, elle donne dans la déconstruction et l’improvisation. On arrive malheureusement trop tard pour assister à sa performance mais les sentiments à chaud glanés ça et là nous disent que l’on n’a « rien raté ». Au contraire, on aurait « préservé nos oreilles ». On ne se risquera pas à émettre un avis.

Tujiko Noriko

Suit la musique de geek de Tujiko Noriko. La Björk japonaise est visiblement très attendue. Elle commence par des petites comptines murmurées de sa douce voix. L’accompagnement du Macintosh est plus que minimaliste. C’est sucré comme les fraises qu’elle arbore sur son T-shirt. Sympathique un temps, cette diva électronique. Mais on se lasse vite. C’est au moment où l’ennui nous engourdit que son acolyte DJ choisit de débarquer. Et c’est parti pour du gros son. Il envoie, le monsieur. Nous serions dans un autre contexte : celui d’un bar où quelques copines se jettent des verres derrière la cravate, et où il serait le gros lourd importun. Sans compter que le son de ses machines semblent être bloqué sur le volume maximum. On n’entend quasiment plus la voix de Tujiko. Les compères finissent sur une reprise robotique et à peine reconnaissable du « Cotton Crown » de Sonic Youth. Un véritable massacre à la tronçonneuse… Il ne suffit pas de faire du bruit pour prétendre faire du Sonic Youth !

Emily Jane White

Arrive Emily Jane White pour nous reposer un peu les oreilles. Look gothique tranchant parfaitement avec les douces chansonnettes de la belle. Tête de mort ficelée au cou, elle enfile les perles folk. Aidée par son ami contrebassiste (qui joue tantôt à l’archet, tantôt en pinçant les cordes), elle nous fait passer un moment charmant. Tantôt à la guitare, tantôt au piano, sa voix de Cat Power (excusez la référence facile mais la ressemblance est par trop frappante) enchante. Une heure agréable, sans plus. On regagne ses pénates contents mais, le temps du trajet, on est déjà passé à autre chose…

Vendredi 25 avril, Lesbians On Ecstasy, Robots in Disguise, Duchess Says, Le Trabendo

Soirée Riot Girls aux Femmes s’en mêlent avec une triple affiche militante et provoc’. Tout commence par une bière en terrasse, c’est-à-dire dehors dans l’espace fumeurs au milieu d’une majorité de nanas venues en couple écouter leurs soeurs montréalaises. Rares en France, les Lesbians on Ecstasy ont l’honneur d’ouvrir le bal. Tâche dont le quatuor s’acquitte avec brio. Poing tendu comme sa musique, Fruity Frankie la chanteuse campe sur le front de scène et harangue le public par-dessus une déferlante electro-punk. Les basses bourdonnent, la batterie électronique claque comme un bruit de bottes, les claviers distillent leur venin. Le son est lourd, sale même, mais parvient comme par miracle à nous prendre par les hanches. L’esprit est à la fête ni plus ni moins. Les Lesbians ont la pêche et sont belles à voir. Point d’orgue du set, une chorégraphie saccadée exécutée en duo par la batteuse et la chanteuse. Tout ça est de très bon augure… A la pause, certains se ruent au bar en chantonnant le refrain de leur hymne « Sisters in the Struggle » : « We’ve been waiting all our lives for our sisters to be our lovers. »

Robots in Disguise

Au tour des Robots in Disguise d’investir la scène avec l’aisance des vieilles habituées du festival (elles ont déjà été programmées en 2002). Ces Anglaises, dignes héritières des Slits pour l’attitude punk et incarnation du look manga, jouent les piles électriques dans leurs jeans slim. La salle est pleine à craquer. Le premier rang reprend en choeur les paroles de leurs chansons. A l’image de leur dernier album « We’re The Music », le show est un concentré de rock’n’roll et de régression adulescente. Pour preuve, deux robots empotés font leur apparition sur scène. Où sont les Bioman ? Au bar avec Musclor ? Il y a pourtant quelque chose qui sonne toc chez ces filles, un peu trop d’autocélébration ? Un manque de grâce ? Musicalement on ne s’ennuie pas mais nos déesses girly ont-elles besoin d’en faire autant devant un public qui les adore ?

Duchess Says

Duchess Says, un phénomène à voir en live… La rumeur bruissait depuis quelque temps déjà. En fait de duchesse ce groupe de Montréal compte trois garçons et une fille, Annie-C Deschênes. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la miss porte bien son nom. Arrivée sagement sur scène dans une jupette noire et un chaste débardeur, la voilà qui se transforme rapidement en une furie animale inquiétante, au croisement d’une Catherine Ringer possédée et de la Brigitte Bardot animale de « Et Dieu créa la femme ». Premier acte, elle se déchausse. Deuxième acte, elle se verse une cannette de bière sur le torse. Troisième acte, elle hurle dans son micro convulsivement. Quatrième acte, elle se fige et scrute le public d’un regard halluciné en désignant des coupables imaginaires. Attention des têtes vont tomber ! Effroi et fascination dans le public. Cinquième acte… On s’ennuie ferme ! Le problème c’est que les Duchess Says se résume au seul cirque de leur chanteuse et que, musicalement, le gloubi-boulga electro-garage du groupe n’intéresse personne. Je jette l’éponge à la moitié du set, résolument nostalgique de la prestation des Lezzies. Les seules à avoir eu de la classe ce soir.

Auteurs : Guillaume Sautereau, David Larre, Vincent Arquillière, Marie Gallic et Luc Taramini
Photos : Guillaume Sautereau, Marie Gallic et Emeute Visuelle
Merci à Elise d’Ivox

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Stéphane Amiel (fondateur et programmateur du festival)

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