CHRIS GARNEAU – Music For Tourists
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Comment capter l’attention d’un auditoire lorsque le lieu est bruyant et ses occupants distraits ? Deux possibilités : hausser fortement la voix jusqu’à enrayer le dilettantisme ambiant, au risque d’être entendu mais pas forcément écouté, ou baisser le volume jusqu’à ce que l’auditeur soit contraint de se taire pour percevoir le propos, ce qui est nettement plus judicieux mais nécessite, dès lors, un certain savoir-faire. Pour son premier coup d’essai, c’est la voie de la subtilité qu’a choisi d’emprunter Chris Garneau, et c’est brillamment assumé. En provenance de la frénétique Grosse Pomme, le jeune songwriter qui préfère la douceur au tumulte de la jungle urbaine et artistique, se livre à un exercice funambulesque par-dessus les modes et les courants. Et plutôt que de risquer le déséquilibre fatal, il mise sur la sobriété et se recentre sur l’essentiel : une musique qui n’a guère besoin d’apparat pour briller. Son mérite n’en est que plus grand. Au fil des écoutes, on imagine d’ailleurs mal les compositions se dévoiler autrement que dans leur plus simple appareil. Avec pour seuls supports, les cordes sensibles de son piano qu’il habille de son murmure fluet, le petit chanteur réussit le parcours sans faute. Ci et là viennent le soutenir, la caresse d’un violoncelle, la rondeur d’une contrebasse, l’atmosphère charnue d’un harmonium, tantôt contrebalancées par une discrète percussion jazzy aux balais, ou encore le tintement d’un xylophone onirique. Après quarante-sept minutes de fragilité périlleuse, Chris juche fièrement l’autre bout du fil. On peut l’applaudir car il a su interpeller par sa seule grâce sans qu’il n’ait eu à feindre le faux pas sensationnel. On peut enfin ôter la main des yeux et admirer sans réserve l’humble décor : de magnifiques mélodies parfumées de mélancolie qui ne sombrent jamais, pour autant, dans la pleurnicherie ni l’excès de zèle. Chaque morceau insufflé à nos oreilles est profondément habité par leur auteur. Même la reprise (non indiquée sur le tracklisting) de "Between the Bars" de l’illustre Elliott Smith semble tout droit sortie de la plume de notre baladin qui rend un bel hommage à son idole de toujours. Un point reste néanmoins contestable : s’il a certainement raison de penser que sa musique plaira aux touristes, nul doute qu’elle ravira également les autochtones et autres amateurs de sentiers escarpés en tout genre. Vous l’aurez compris, qu’elle soit libre ou guidée, l’excursion est vivement conseillée.
David Vertessen
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