V/A – Tombés Pour Daho
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On avait fini par croire Étienne Daho intouchable. Entrés dans l’inconscient collectif, des tubes aussi énormes que « Tombé pour la France », « Bleu comme toi » ou « Duel au soleil » semblaient devenus prisonniers de leur propre finitude, impossibles à dépasser. Qui aurait jamais osé s’attaquer à « La Baie », au « Grand Sommeil » ou aux « Heures hindoues », si ce n’est le Rennais lui-même ? Daho n’a pourtant jamais été avare de collaborations, de Bill Pritchard à Françoise Hardy, en passant par Air, Fischerspooner, Elli et Jacno, les Comateens, Jane Birkin, Charlotte Gainsbourg ou encore Dani. Face à l’absence de reprises de ses chansons, Daho n’a jamais hésité à désacraliser ses propres tubes. En les triturant sur scène au fil des tournées, mais également en les confrontant à d’autres (« Weekend à Rome » transformé en « Accident » sur l’EP Saint Etienne Daho, « Quelqu’un qui me ressemble » offert à Sylvie Vartan, etc.). Mais d’hommages, de reprises, de clin d’oeil… Rien. Il aura fallu attendre vingt-sept ans pour que quelqu’un daigne enfin se confronter au maestro. D’entrée de jeu, la désarticulation totale de « Tombé pour la France » par Doriand, transformé pour l’occasion en ballerine de boîte à musique, laisse sans voix. Trituré par Ginger Ale, « Le grand sommeil » devient une comptine électro-pop irrésistible, tandis que Sébastien Tellier fait valser les « Heures Hindoues » sur la vague « Sexuality », façon Éric Serra. Sébastien Schuller transforme « Duel au soleil » en sanglot magnifique. Readymade FC, de son côté, flirte gentiment avec les cordes et les choeurs d’Henry Mancini (« Soudain »), laissant Dominique Dalcan rendre hommage à « Moon River » avec « La Baie ». Ceux qui n’ont plus rien à prouver (Elli, Jacno, Turboust, Biolay), se démarquent par le choix atypique des titres (« On s’fait la gueule », « Jungle Pulse », « La ballade d’Edie S. »). L’apothéose du disque, pourtant, est ailleurs. En osant s’attaquer à « Paris le Flore », cet instant de grâce le plus casse-gueule de la carrière de Daho, Avril signe un nocturne obsessionnel postmoderne et magistral, culminant avec l’apparition fantomatique de Mastroianni et de Monica Vitti, échappés du « Dramma della Gelosia » d’Ettore Scola. Le « Love at First Sight » des débuts a beau être devenu définitivement méconnaissable, le coup de foudre originel, lui, est plus brûlant que jamais. Ces quinze reprises brillantes le prouvent : Daho a signé les standards francophones de la pop moderne.
Christophe Patris
Doriand – Tombé pour la France
Ginger Ale – Le grand sommeil
Sébastien Tellier – Des heures hindoues
Jacno – On s’fait la gueule
Olivier Libaux & JP Nataf – Épaule tattoo
Benjamin Biolay & Elli Medeiros – Les bords de Seine
Daniel Darc & Frédéric Lo – Promesses
Readymade FC – Soudain
Avril – Paris le Flore
Jean-François Coen – Bleu comme toi
Elli Medeiros – Jungle Pulse
Arnold Turboust – La ballade d’Edie S.
Coralie Clément – Vis-à-vis
Sébastien Schuller – Duel au soleil
Dominique Dalcan – La baie