M.B + E.D.A. – Regolelettroniche
(Baskaru / Chica-Chic)
Etonnant parcours que celui de Maurizio Bianchi, figure emblématique de la musique industrielle.
Milan, 1979, Maurizio Bianchi sous le nom de Sacher-Pelz manipule aussi bien les sons extrêmes que les symboles les plus repoussants de notre histoire. Il diffuse ses travaux via le réseau mondial industriel, fait d’échanges de cassettes et de mail-art, qui finiront par arriver jusqu’aux oreilles perverses de Whitehouse, personnages ô combien controversés de la scène industrielle Anglaise. William Bennett et Steven Stapleton via le label Come Organisation sortiront plusieurs de ses cassettes, dès lors la production de Maurizio Bianchi sera, comme celle de Masami Akita avec Merzbow, absolument frénétique avec la publication de plusieurs albums par an sur d’innombrables labels plus ou moins incestueux.
Au fil de cette production colossale, l’esprit fondateur du projet de Maurizio Bianchi demeure intact : l’incarnation à travers une musique violente, puissante et bien souvent effrayante de l’aliénation mentale de l’individu dépersonnalisé par une société industrielle et décadente.
Puis au milieu des années 80, il arrête brutalement toute activité musicale pour entamer une retraite religieuse qui sera interrompue en 1998 lorsque Emanuele Carcano du label Alga Marghen ré-édite ses premiers travaux et lui redonne alors le goût de la création musicale.
Cette parenthèse spirituelle est pour ainsi dire une renaissance, au moins musicale, pour Maurizio Bianchi.
Les assauts bruitistes et sordides des débuts ont fait place à des pièces proches de l’ambient, faites de drones et de répétitions minimalistes à l’image de ce "Regolelettroniche" pour lequel il s’est associé à Emanuela De Angelis, jeune et jolie pousse (elle pourrait être sa fille) de l’avant garde italienne (Tu M’, Mou, Lips).
En guise de présentation, précisons que les auteurs de ce disque le définissent comme un assemblage sonore systématique pour instruments électroniques, ondes axiomatiques et réverbérations essentielles. En disant ça, ils ont tout dit !
"Eartlhy Pinciple" avec son motif bouclé sur lui-même, entre groove mutilé à la Philip Jeck et mélodie bancale à la Pierre Bastien, introduit magnifiquement les deux très longues pièces qui suivent.
Ces deux impressionnantes masses sonores, ondulantes, composées de boucles de sons rugueux qui sur la longueur deviennent totalement obsédantes, constituent le véritable monument de "Regolelettroniche".
Enfin "Electronic Rules" et ses boucles aquatiques concluent tout en douceur cet album remarquable et hors norme.
Par son caractère ascétique et sa répétitivité obstinée, la musique de M.B + E.D.A en est presque déshumanisée et pour le coup proprement industrielle. Une approche radicale qui n’aurait pas déplu à un certain Luigi Russolo.
Cyril Lacaud
Eartlhy Pinciple
Cosmic Norms
Universal Order
Electronic Rules