SÉBASTIEN TELLIER – Sexuality
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Si on nous avait dit, il y a encore un an, que l’on passerait l’été à danser sur une chanson de Robert Wyatt ("This Summer Night", sur l’album de Burgalat), on aurait souri. Mais réchauffement climatique oblige, on a bien dû admettre (non sans stupeur) que Wyatt avait bel et bien tombé le col roulé et se délectait à présent de Malibu. Si on nous avait dit, en 2001, que quelques années plus tard on passerait l’été à se trémousser sur les rythmes érotico-synthétiques de Sébastien Tellier, on aurait eu le même sourire. Le jeune homme timide qui faisait à l’époque les premières parties de Air, accompagné d’une unique (mais déjà sexy) joueuse de Theremin, avait plus l’air d’un Gaston Lagaffe que d’un Hugh Heffner. Certains le comparaient d’ailleurs (tiens, tiens !) à Wyatt. On aurait dû se méfier : à l’époque, déjà, l’homme chantait debout sur une chaise. Aujourd’hui, avec la sortie de "Sexuality", annoncé comme son grand tournant R’n’B et porno-trash, le sourire se fait plus hésitant. Sébastien Tellier se prendrait-il pour Rihanna ou Justin Timberlake ? En vérité, l’homme est loin d’être tombé de sa chaise. Car, malgré ce que pourrait laisser penser le titre, Tellier est un cérébral. D’abord par la nuance de ce titre : la sexualité n’est pas le sexe – mais une théorie sur le sexe. Une subtilité, certes, mais qui prend ici valeur de concept. Tellier ose un libertinage plus sensible qu’amoral, et déjoue dès lors la vulgarité de tous les clichés américains, préférant le sucre juteux du fruit (les gémissements sur "Pomme") à la saccharose. Loin de faire l’inventaire de ses conquêtes, il construit en fait ses chansons sur des fantasmes d’adolescent timide, voire fragile ("Look", "Elle", "L’amour et la violence"). La production fine et efficace de Guy-Manuel Homem Christo, loin du rouleau compresseur de Daft Punk, évite la sur-intellectualisation du projet et semble inviter à une virée en jet ski à Biarritz (les géniaux "Roche" ou "Divine"). À mi-chemin entre la pop poisseuse du "This is Hardcore" de Pulp et de l’easy-pop sulfureuse des Gentle People, "Sexuality" est un album estival, sexy et génialement pervers.
Christophe Patris
A lire également, sur Sébastien Tellier :
la chronique de « L’incroyable vérité » (2001)
Roche
Kilometer
Look
Divine
Pomme
Une heure
Sexual Sportswear
Elle
Fingers of Steel
Manty
L’amour et la violence