COH – Strings
(Raster Norton / Metamkine)
Derrière le projet COH (sommeil en russe) se cache Ivan Pavlov, ingénieur acousticien qui a servi dans la marine russe. Actif au sein de la scène électronique d’avant-garde depuis une dizaine d’années, il propose une sorte d’art science des plus débridés, le genre d’artiste qu’on trouve naturellement sur Raster Noton, label allemand adepte d’une approche artistique globale où le visuel sert le son et vice versa. Et comme à chaque fois avec Raster Noton le disque est sublimement emballé dans un élégant pliage de carton dans le plus pur style techno minimale allemande.
Allez, assez parlé carton, place au son. Ce "Strings" est composé en trois parties, chacune autours d’instruments à cordes: un piano, une guitare électrique (une Musima Elektra de Luxe, guitare rustique est-allemande) et un ensemble saz et oud.
Dans chacune des parties, le son naturel des instruments est petit à petit filtré, pitché, déformé puis viennent s’ajouter des effets qui amènent cette lutherie vers des contrées digitales.
Le principe n’a à priori rien de novateur et a été usé jusqu’à la… corde par la plupart des académiciens de l’életro-acoustique subventionnée.
Ce qui fait la force et tout le charme de COH c’est son approche ludique, très personnelle et carrément atypique.
Le disque commence par un thème "Piano Tranquillo" aux notes de piano transformées dans un délicat son ouaté puis on sent une tension monter avec le très beau "Andante Facile" et ses rythmiques cliquetées. Après quoi, Ivan Pavlov claque le couvercle de son piano et empoigne sa Musina à laquelle il fait subir un traitement radical pour une déferlante de sons saturés passés au filtre gros grains. Avec les morceaux "No Monsters No Rock" la transition est aussi brutale que jouissive, les délicates constructions à la Edward Artemiev se font écraser par des riffs qu’on aurait plutôt tendance à cotoyer chez Godflesh.
Et oui, bien que faisant partie de la grande famille des pointillistes de l’électronique, Ivan Pavlov n’en renie pas pour autant ses passions adolescentes où l’inspiration était plutôt heavy metal qu’électro minimale.
La troisième partie "Euphrates" est peut être la plus réussie de l’album, la plus ambitieuse en tout cas, avec un oud et un sak deux instruments plutôt réservés au folklore. Les morceaux mettent du temps à s’installer, pour créer une transe très ciselée au fur et à mesure des imbrications acoustiques et électroniques. Les deux instrumentations se répondent avec évidence et Ivan Pavlov fait preuve d’un art de l’équilibre étonnant.
Cet album est accompagné de la pièce "SU-U", musique pour une installation quadriphonique "Essential Vibrations" exposée lors de l’édition 2006 du festival Sonar, qui reste dans la continuité de "Strings" en développant la même esthétique que sur "Euphrates" dans une version plus ambient, très épurée.
Un beau disque d’exploration sonore à mille lieux de tout académisme poussiéreux et autre intégrisme stylistique et où plaisir et avant-garde ne sont jamais aussi bien allés ensemble !
Cyril Lacaud
Sidereal As If Not (Part 1.1 Piano Tranquillo)
Sidereal As If Not (Part 1.2 Andante Facile)
No Monsters No Rock (Part 2.1 Mezzo Forte Passionato)
No Monsters No Rock (Part 2.2 Vittorioso Calando)
Euphrates (Part 3.1 Spiritoso Con Amore)
Euphrates (Part 3.2 Devoto Maestoso Al Fine)
Su-u