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Disques

Daniel Darc – Amours Suprêmes

DANIEL DARC – Amours Suprêmes
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DANIEL DARC - Amours SuprêmesCe n’est pas souvent qu’un disque est dédié à Jacques Rigaut. L’ombre de ce poète dadaïste, inspiration principale de Louis Malle lors de son adaptation cinématographique du "Feu follet" de Drieu La Rochelle, plane sur le nouvel album de Daniel Darc. Un disque attendu au tournant, quatre ans après l’inespéré retour en grâce de Daniel par l’album "Crèvecœur", et ses morceaux entre enfer et rédemption. De ce disque primé, certains bobos firent à l’époque de Daniel Darc un fier représentant de la "nouvelle chanson française". Alors que Darc, c’est bien autre chose… Auteur, avec Taxi Girl, de quelques-uns des plus beaux moments du rock français : "Cherchez le garçon", "Les Armées de la nuit", "Paris"… puis responsable de disques écrits du fond de l’abîme, dont l’immense "Nijinski". Darc n’est donc pas un jeune premier, et la Vie, la lune dans le caniveau, le grand huit, il connaît. Des années plongées dans Dylan, ou encore deux ans à écouter sans discontinuer "Les Variations Goldberg", pour tenir, ne pas sombrer. Darc est un obsessionnel, qui voit la musique comme une lumière salvatrice, le seul moyen de ne pas tomber dans le précipice à côté duquel il danse en permanence. J’ai des amis pour qui "Crèvecœur" fut le compagnon des descentes dans les tréfonds de leur détresse et assez paradoxalement, en constitua le remède. Que faire après un tel album ? Un album country, influence majeure de Daniel ? La rumeur courut à une époque. Finalement, "Amours suprêmes" – dont le nom est l’hommage de Daniel à un de ses albums de chevet, le "Love Supreme" de Coltrane – constitue l’exacte continuité de "Crèvecœur", les instrumentations si fines et si lumineuses de Frédéric Lo, compositeur de la totalité des musiques de l’album. Les styles se diversifient ici : la pop-song traversée de riffs cinglants ("J’irai au paradis", "Les Remords"), mais également une tonalité jazz sur "Amours suprêmes", un duo trompette / guitare acoustique sur "Ça ne sert à rien", où les respirations et contre-chants de Robert Wyatt accompagnent le texte plein de désillusion de Darc. Les textes de l’album tournent autour d’une idée : les regrets, le temps qui doucement mais sûrement passe, une analyse terrifiante de soi à l’heure du bilan, "Que nous reste t-il après cette vie brûlée ?". Steve Nieve, complice de Costello, enlumine de son piano ces mots noirs : "La vie est mortelle", ou "L.U.V.", ce duo avec Alain Bashung, pour un cut-up façon William Burroughs. Par symétrie, Alain B. est évoqué sur "Un an et un jour", avec des arrangements de cordes réminiscents de "Madame rêve"."Serais-je perdu", plein d’échos funèbres, dévoile un piano martelé, et Daniel, délaissant le talk-over, chante à nouveau, je retrouve alors cette voix qui m’avait tant marqué il y a de cela plus de 10 ans. Les arabesques d’orgue, le xylophone rappellent ce qui constitue à mon sens le plus grand morceau de Taxi Girl, "Avenue du Crime". "Environ" clôt l’album de façon intimiste, plein de délicatesse. L’harmonica qui s’élève alors accompagne nos larmes qui, à nouveau, coulent. Le dandy punk vient de signer une œuvre aussi personnelle que peuvent l’être les introspections de Brian Wilson. Ce qui montre que, comme l’évoquait son ami Patrick Eudeline, "Symphonisme et Destroy ne sont que les deux pans d’un même idéal". Dont acte.

Frédéric Antona

A lire également, sur Daniel Darc :
la chronique de « Crèvecoeur » (2004)
Les remords
J’irai au paradis
L.U.V.
Un an et un jour
La seule fille sur terre
Ça ne sert à rien
Amour suprême
La vie est mortelle
Serais-je perdu
Environ

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