Chanteuse, guitariste, compositrice… Qui est Claire Diterzi ? Un peu les trois. Sa rencontre avec le chorégraphe Decouflé et son expérience du spectacle vivant, lui ont peut-être permis de forger un univers musical unique, à la fois charnel, plastique et audacieux. Après la parution de « Boucle » en 2005, Diterzi sort un nouvel album » Tableau de chasse » pensé pour la scène du Théâtre de Chaillot. C’est d’ailleurs là qu’elle démarrera fin février une série de concerts mis en scène comme un vrai spectacle contemporain. Après vingt ans passés en groupe ou en solo, l’ex-Forguette Mi Note se sent plus libre que jamais. Sa maturité artistique la comble et lui donne des ailes.
Comment définiriez-vous votre relation à la musique au vu de votre parcours et de tous les croisements de genres auxquels il fait appel ?
Un vrai plaisir que j’ai mis longtemps à prendre. Parce que j’ai longtemps subi des groupes dans lesquels je ne m’épanouissais pas forcément mais qui m’ont appris plein de choses quand même. Je me suis longtemps cherché en écrivant et en déléguant les arrangements et puis, aujourd’hui, je me fais vraiment plaisir en assumant la solitude de la création. J’ai donc un rapport assez fusionnel avec la musique. C’est un acte profondément individuel qui me fait même perdre des gens. Comme j’ai une famille, ça peut poser problème quand je suis trop immergée dans l’écriture.
Comment est venue votre émancipation artistique d’un groupe à la carrière solo que vous menez aujourd’hui ? De l’acceptation de soi ?
Quand j’ai voulu quitter les Forguette Mi Note, ça a été assez dur. A cette époque, on m’a vraiment reproché d’être narcissique, égocentrique. J’ai beaucoup souffert de ça. j’ai même pensé que le groupe avait raison. Et je trouve qu’aujourd’hui pour faire mon métier, c’est une qualité. Il ne faut pas être pudique. Il faut s’aimer, aimer se montrer. Il faut donc se plaire. J’ai même fait une psychothérapie pour me détacher de ces complexes d’ego. Plus j’ai avancé dans la maturité, plus j’ai composé et plus je me suis rendu compte que seule j’étais meilleure et que je me faisais plus plaisir. Je parle de la composition pure et dure. Etre face à soi-même, ça donne une profondeur dans le travail.
Vous n’avez pas peur de vous perdre dans des méandres, de manquer de recul ?
Non, parce que je trouve que c’est la sensibilité qui définit les limites de l’artiste. Quand je trouve que quelque chose est moche, je le travaille jusqu’à ce que je le trouve beau. J’aime ce que je fais. Tout est assumé. Et puis, je suis à un âge où je connais mes limites. A contrario, celles que je ne connais pas encore, j’ai envie d’aller les explorer. J’aime prendre des risques. Mais tout ça est une conséquence de ma liberté; je suis maître de ce que j’écris.
Si on vous résumait aux titres de chanteuse et de guitariste, vous vous sentiriez à l’étroit dans le costume. Quel est le terme qui vous définit le mieux ?
Quand je dois remplir les fiches d’inscription de mes filles à l’école, il y a toujours la case « profession des parents ». Souvent, je me pose cette question. Quand je mets chanteuse, j’ai la honte. Je trouve ça réducteur autant que quand je mets musicienne. Chanteuse/musicienne, ça veut dire seulement interprète. Donc, en ce moment, je serais plutôt tenté d’écrire « compositeur ». En plus, ça correspond à ce que j’ai fait récemment en répondant à des commandes.
Comme la B.O. du film « Requiem for Billy The Kid » réalisé par Anne Feinsilber ?
Oui, c’est une commande au même titre que la musique du spectacle de Philipe Decouflé ou celles de pièces de théâtre. Très récemment et d’actualité, j’ai fait la musique de l’exposition de Titouan Lamazou au Musée de l’Homme « Femmes du Monde ». J’avoue que « compositeur », ça me convient.
Est-ce qu’on ne pourrait pas dire aussi « musicienne plastique », puisque votre musique est très visuelle et s’accommode bien de la scène ?
Pourquoi pas. C’est la première fois que je fais ce genre de spectacle. Le théâtre de Chaillot m’a programmée il y a deux ans et je n’avais rien de prêt à l’époque. J’avais juste envie de faire ce disque. Mais il fallait encore que je trouve le fond, le concept, l’ambition. Alors, je me suis nourrie de Chaillot. J’ai tout de suite pensé à donner de l’épaisseur visuelle à mon travail. D’où l’idée de m’inspirer de sculptures et de peintures pour avoir un support vidéo, pour travailler une scénographie, un éclairage. Cet album est indissociable de la scène. Il a vraiment été pensé dans cette perspective : qu’est-ce qui va se passer sur scène ?
Vous avez agi un peu comme un metteur en scène qui doit penser à tout…
Oui, j’avais plein de paramètres à prendre en compte. Je me suis dit qu’il ne fallait pas que je joue de la guitare, que j’auditionne des choristes etc.
Est-ce qu’il y a aussi une forme de chorégraphie pendant le spectacle ?
Chorégraphie, non. En fait, je gigote sur scène. Le seul rapport avec la danse et le spectacle contemporain se situe au niveau de l’ambition scénographique et de l’éclairage. Ça reste un concert, mais ambitieux de ce point de vue-là. J’ai aussi travaillé avec un metteur en scène.