BAT FOR LASHES – Fur And Gold
(Echo / EMI) [site] – acheter ce disque
POPnews vous propose deux regards sur l’album de Bat For Lashes :
Ville foisonnante en projets musicaux tous azimuts, des mix balnéaires de Fatboy Slim au rock instrumental d’Electrelane en passant par la pop sportive de The Go! Team, Brighton tient désormais sa Björk en la personne de Natasha Khan.
Bat For Lashes, le groupe qu’elle forme avec Abi Fry, Mary Funnell et Anna McInerney, est né d’un rêve. Alors étudiante en cinéma, elle est réveillée, par l’étalon noir qui pointe la tête à sa fenêtre pour l’envoyer vers la quête de sa destinée. Inspirée du mythe de Jeanne d’Arc, cette histoire à dormir debout est celle de "Horse and I", magistrale ouverture de "Fur and Gold". Légère brise, synthé fantomatique, mélodie au clavecin et rythmique martiale accompagnent la voix éthérée de Khan. Le décor est planté. "There is no turning back" chante-t-elle. Certes, non ! On n’a aucune envie de rebrousser chemin… Suivent la grosse basse et les graves notes de piano de "Trophy" qui ne plombent pas l’ambiance car allégées des clapements de mains ponctuant l’ensemble du disque.
La musique de Bat For Lashes, c’est ça. Des notes de pianos égrenées soutenues par des mélodies au clavecin, à la harpe, au banjo… et… des clapements de mains. Mais surtout, c’est cette voix aérienne qui confère un souffle épique à l’ensemble.
Bat For Lashes, c’est aussi tout un univers fantastique. Sur la pochette, Natasha, mi-indienne, mi-guerrière, tient la bride de son cheval. La photo est coupée, mais nul doute que ce cheval-là a des ailes. La voie lactée empruntée par Bat For Lashes a certes été battue. Les nombreuses petites sœurs de Björk sont déjà passées par là. Elles ont toutes traversé la constellation CocoRosie avant que le soleil ne se couche pour elles, les laissant dans l’ombre.
Bat For Lashes est peut-être, elle aussi, coincée quelque part entre CocoRosie et Björk mais l’écoute de ce premier album ne lasse pas l’imagination : Fur and Gold se transforme vite en piège à rêves dans lequel il est doux de se laisser prendre…
Marie Gallic
Il était une fois une forêt quelque part en Angleterre. Au milieu s’ébattait une jeune et jolie elfe qui se prénommait Natasha Khan. Elle avait fondé une confrérie avec plusieurs elfes comme elle. Elles se dirent : "Faisons de la musique", et elles se mirent alors à écrire de belles chansons, comme on n’en entend plus souvent. Elles firent avec les instruments qui leur tombaient sous la main, tel ce clavecin enjoué et inquiétant sur "Horse and I", cette harpe sur "What’s a Girl to Do", sûrement écrit un soir d’orage, où il est dangereux de traîner dans la forêt et où il est plus sûr de fuir à bride abattue. Elles n’étaient pas seules, ces jolies elfes, dans leur repère de nature. Elles y croisaient régulièrement d’autres membres de leur espèce, qui étaient de lointains voisins (Sigùr Ros et Björk), ou encore de vieilles créatures très sages (PJ Harvey, Kate Bush). Mais Natasha et ses comparses avaient su trouver celui qui fabriquerait l’écrin qu’elles méritaient, et ce chef d’orchestre avait pour nom David Kosten. Comme celui-ci était gentil, il leur fournit aussi de beaux claviers et des beats caressants qui battent dans une même harmonie que les éléments de Mère Nature sur l’enfantin "The Wizard", quand ils ne se font pas plus menaçants sur le guerrier "Trophy". Et pour distraire les aventuriers qui traversaient leur contrée, elles eurent le bon goût d’écrire le léger "Prescilla", qui prouve que harpe et rythmes discoïsants peuvent se mélanger et donner envie de danser et de taper dans ses mains à l’unisson. Ces elfes savaient aussi conter la tristesse, comme sur "Sad Eyes" et ses choeurs éthérés, ou "Seal Jubilee" et ses arrangements de cordes et ses nappes de clavier qui portent en eux une douce mélancolie, entretenue par ces harmonies vocales aériennes qui traversent ces onze contes. "Prescilla" avait une petite soeur triste et enjouée à la fois qui s’appelait "Sarah", mutine et technologique, chaos des recoins sombres d’une nuit sans étoile. Le voyage prit fin avec le jour et le lever du soleil : "I Saw a Light" : quel autre astre pouvait fournir une lumière aussi vive, mais aussi violente dès l’aube ? Alors Natasha Khan nous accompagna une dernière fois, et nous montra la sortie de ce songe en onze chapitres, histoires tirées d’un imaginaire qui n’a pas perdu toute innocence. C’est une fée qui a créé ce disque dense, envoûtant parfois, riche comme peuvent l’être les contes d’antan, intense ou violent comme le sont les éléments qui nous entourent. Natasha Khan a tout pour durer, pourvu qu’elle ne se trompe pas de chemin, mais ça, c’est une autre histoire…
Mickaël Choisi
Horse and I
Trophy
Tahiti
What’s a Girl to Do
Sad Eyes
The Wizard
Prescilla
Bat’s Mouth
Seal Jubilee
Sarah
I Saw a Light