JOSE GONZALEZ – In Our Nature
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Etonnant succès que celui de José González : son premier album, "Veneer", s’est vendu à 700 000 exemplaires, ce qui lui a valu un disque de platine au Royaume-Uni et en Irlande. Certes, Carla Bruni a fait au moins aussi bien avec une musique à peine plus arrangée, mais le Suédois (d’origine argentine) ne se retrouvera sans doute jamais en couverture de "Elle", et l’austérité de ses chansons nues n’était a priori guère destinée à rencontrer le grand public. Ironie de l’histoire, une publicité pour des téléviseurs high-tech, qui utilisait un morceau de l’album, a beaucoup aidé à le faire connaître ; double ironie, en fait, puisque le morceau en question, "Heartbeats", était la seule reprise du disque ; et même triple, en poussant un peu le bouchon, puisque l’original était dû à ses compatriotes de The Knife, dont l’electro froide et conceptuelle semble bien éloignée de l’univers de l’ami José.
"In Our Nature", son deuxième album, sort près de quatre ans après le premier (dont le succès fut très graduel), mais on pourrait facilement croire que quelques mois seulement les séparent tant les deux œuvres sont proches. Si la voix a gagné en assurance et le son en netteté, le chanteur et guitariste a résisté à la tentation de mettre de la chair entre la peau et les os de sa musique, qui se contente toujours de très peu : une poignée de cordes (vocales ou en nylon), une pincée de percussions et de synthétiseurs. González nous refait aussi le coup de la reprise inattendue en s’attaquant cette fois-ci au "Teardrop" de Massive Attack, révélant que la beauté du morceau ne tenait pas qu’aux arabesques de Liz Fraser et à l’impressionnante production de 3D et Daddy G. Mis à part cette relecture d’un groupe phare des années 90, rien ici ne prétend à une quelconque modernité, et les références seraient plutôt à chercher du côté du folk anglais des années 60-70, de Bert Jansch à Davy Graham en passant par Nick Drake.
Mais on aurait tort sans doute d’y voir là une démarche de puriste, limite réactionnaire, ou de considérer ce dépouillement comme une simple posture. José González a fait ses armes dans des groupes punk et hardcore, et on suppose donc qu’il ne crierait pas "Judas !" à un chanteur folk qui électrifierait sa guitare. La tension toujours sous-jacente dans sa musique et le caractère laconique de ses textes, plutôt sombres ("What’s the point if you hate, die and kill for love"), semblent d’ailleurs découler de ces expériences passées. Comme un auteur de haïkus, le Suédois recherche à travers l’épure et l’économie de moyens la forme la plus juste, l’expression la plus proche de ce qu’il ressent. Une certaine vérité, si tant est que le mot ait un sens dans le domaine artistique. On espère que la quête sera longue ; en tout cas, elle est déjà fructueuse.
Vincent Arquillière
How Low
Down the Line
Killing for Love
In Our Nature
Teardrop
Abram
Time to Send Someone Away
The Nest
Fold
Cycling Trivialities