Ça faisait quelques temps déjà qu’on les surveillait du coin de l’œil ces deux-là. Discrets mais prolifiques, Tazio & Boy font tourner leur petite entreprise de songwriting artisanal à plein régime depuis leur camp retranché de Saint-Nazaire. La sortie de « Note-Book » sur le label belge Humpty Dumpty, à la fois compilation de leurs chansons préférées et vrai premier album, nous offre l’occasion de leur donner la parole et d’en apprendre un peu plus sur leur univers créatif.
D’abord, histoire de faire les présentations, j’aimerais savoir qui se cache derrière Tazio & Boy : un couple de malfaiteurs, un vrai groupe, des collègues de bureau… bref, qui êtes-vous ?
En fait, nous sommes un vrai groupe de collègues de bureau malfaiteurs. Qui plus est, nous vivons sous le même toit. Frère et soeur ? Mari et femme ? Personne ne le sait vraiment ! Quant aux noms du groupe, c’était à nos yeux une bonne façon de ne pas se cantonner à un style ou une origine en particulier, et d’insister sur le fait que ce projet est la réunion ponctuelle de deux personnes qui ont chacun d’autres projets musicaux.
Comment fonctionne votre tandem musical ?
Comme la plupart des groupes, sans doute. Chacun a ses thèmes et ses instruments de prédilection, et c’est la confrontation des deux qui amène souvent les résultats les plus intéressants. Notre formule sur scène est très représentative de la façon dont nous fonctionnons : Boy au piano et au chant, Tazio à la guitare et au chant, et entre les deux, une multitude d’instruments, mélodica, glockenspiel, claviers, carillons, jouets… Quand nous enregistrons, c’est la chanson qui décide de ce dont elle a besoin. Après, peu importe qui s’occupe des arrangements ou qui fait office d’ingé son.
Comment et dans quel but avez-vous créé votre propre mini-label ?
Après avoir écrit et enregistré « Mon Petit Taxi », notre premier recueil de chansons, en trois jours de camping, nous avions envie de faire partager cette carte postale sonore à nos amis et proches. La musique n’étant pas la seule activité que nous pratiquons, nous avons essayé d’empaqueter ces chansons dans un joli petit emballage bigarré, et c’est de cette façon que nous avons lancé cette série de disques en enveloppes de couleur. Nous sommes également très fans de beaucoup de labels à travers la planète, et ça ne coûtait pas grand-chose d’écrire My Little Cab Records au dos de l’enveloppe… Cela a commencé comme une boutade, mais plus notre production augmentait, plus l’intérêt d’une structure, aussi petite soit-elle, se faisait sentir. Cela amenait une certaine visibilité, d’autant que nous avions à deux plusieurs projets différents : Boy, Tazio & Boy, Lee Harvey… C’était une bonne façon pour les gens de comprendre que tout sortait de la même maison. Au fil du temps et des rencontres, nous avons décidé d’ouvrir le label vers l’extérieur, et de faire profiter d’autres gens de l’expérience et de la visibilité, modestes mais certaines, de My Little Cab Records.
Avez-vous renoncé à vous faire produire par d’autres structures ?
Au départ de l’aventure, il était évident à nos yeux qu’il ne fallait rien attendre des structures déjà établies, en France ou ailleurs. Nous avions envie de sortir un album par saison, et nous voyions mal qui pourrait se risquer à nous soutenir dans ce projet. L’idée de fonctionner à notre rythme et de lancer un petit label de CD-R artisanaux nous convenait parfaitement. Evidemment, nous aurions étudié les éventuelles propositions qui auraient pu se présenter, mais en attendant de décrocher la timbale, nous aurions aussi pu rester des années sans rien faire, en se demandant pourquoi personne ne nous avait encore découverts ! Nous sommes ravis d’avoir pu, en fin de compte, rejoindre un label plus officiel, comme les belges de Humpty Dumpty Records, qui nous ont permis de franchir le pas, et d’abandonner pour un temps le CD-R.
Il y a chez vous une vraie culture « Do It Yourself » doublée d’une touche lo-fi, est-ce une marque de fabrique à défaut de moyens, un vrai parti pris ou simplement une façon naturelle de composer ?
C’est un état d’esprit plus qu’une marque de fabrique ou un parti pris. Nous tenons énormément à notre liberté d’action et n’aurions donc pu attendre que des gens s’intéressent à nous, d’avoir les moyens d’enregistrer en studio, ou supporter un quelconque management. Logiquement, nous faisons tout nous-mêmes à la maison, et vu nos moyens financiers limités, notre production est forcément lo-fi, même si certains disques ont bénéficié d’efforts particuliers, comme « Norfolk Motel » de Boy. Au-delà de ça, « do it yourself » est le seul conseil que nous nous permettrions de donner à quiconque nous en demanderait.
Le design de ce disque a été confié à Françoiz Breut. Comment est née cette collaboration ?
Lorsque Humpty Dumpty nous a contacté, il nous a très vite fait part de son envie de sortir un digipack illustré, et nous a proposé divers artistes pour s’occuper de la pochette, en nous précisant qu’il était ouvert à toutes propositions. C’était assez inespéré pour nous, et nous lui avons répondu que nous aimions beaucoup le travail de Françoiz Breut, presque par blague ! Quand il nous a répondu que c’était une amie, et qu’il allait lui demander si elle était intéressée, nous avons compris que nous vivions un vrai conte de fées. Le lendemain, il nous a appris qu’elle était partante. L’atmosphère qui se dégage de cette pochette colle particulièrement bien à nos chansons et à notre univers, et nous ne la remercierons jamais assez.
Vous avez produit beaucoup de disques en peu de temps, dans des proportions assez confidentielles, d’où vous vient ce rythme effréné ?
C’est assez simple. Vivant ensemble, et partageant les mêmes centres d’intérêt, nos temps libres sont consacrés à nos passions, et nous sommes sans cesse en train de fabriquer. Des collages, des photos, des textes, de la musique… Peu importe en fin de compte. Nous avons la chance de bien nous compléter, et d’interagir facilement au point de vue musical. « Tu as un texte pour ma chanson? Ça tombe bien, j’ai pensé à un arrangement pour ton truc au piano ». C’est vraiment comme ça que nous fonctionnons. Le home-studio, et la présence de nombreux instruments autour de nous permettent d’enregistrer à n’importe quel moment, dès qu’une idée nous vient. Il est donc assez normal de se retrouver avec une quinzaine de chansons tous les trois ou quatre mois… Nous n’oublions pas que les artistes des années 60, Beatles en tête, avaient une production beaucoup plus importante que la plupart des musiciens d’aujourd’hui, qui sont bien souvent bridés par les impératifs marketing de leurs maisons de disques. Les Beatles sortaient un album et plusieurs singles par an, singles dont les chansons n’apparaissaient pas sur les albums !