A SINGER MUST DIE – Today, It’s A Wonderful Day
(Grand Harmonium Records) [site] – acheter ce disque
Défini dans la biographie du groupe comme "un disque de contrastes", ce premier essai de A Singer Must Die, duo français composé de Philippe le Guern (ancien membre des Occidentaux) et Manuel Ferrer, tente en effet de faire un grand écart stylistique, entre folk ombrageux et ballades pianistiques. Ainsi, la voix de Manuel Ferrer sur "The Fallow Land", ballade introductive portée par un mellotron éthéré, n’est pas sans évoquer celle d’Holly Johnson (ce qui, contrairement à l’idée traditionnellement répandue, n’est pas forcément une tare). Cette première impression plutôt plaisante est confortée par "Croydon Road", pop song au rythme soutenu, avec cloches et arrangements symphoniques pour faire bonne mesure. "The Crash" présente toutes les allures d’un hit, l’électricité vient d’être rallumée, la batterie débarque enfin et Ferrer se glisse alors dans les oripeaux de Morrissey pour livrer une prestation vocale toute en souplesse. "Desire", avec ses voix doublées, sonne très proche des galettes d’Elliott Smith (à qui ce disque est dédié, et qui laisse son ombre sur tout l’album), et marque durablement les esprits. L’album est parfois inégal, mais j’aime beaucoup le timbre de voix de Ferrer, souvent au bord de la rupture, et le sens des arrangements de Philippe Le Guern, l’homme-orchestre du groupe.
Le groupe évoque une question qui a traversé l’esprit de nombre d’entre nous, lorsque nous rêvions debout devant les photos de Keith Richards et Anita Pallenberg, tout de velours noir vêtus : que ressent le fils de "l’homme le plus élégamment dévasté de la planète" ? A Singer Must Die tente de répondre à cette interrogation dans le titre "Marlon R". Sur une mélodie rythmiquement proche d’une marche (vers la mort ?), Le Guern et Ferrer citent, pêle-mêle, Jagger qui chante dans la pièce d’à côté, l’héroïne qui coule dans les veines des amis de son père, et ces interrogations dans les yeux de l’enfant, bourlingué d’hôtel en hôtel : "How can they both laugh and cry ? " Marlon n’a jamais connu l’enfance, ou bien une enfance où les guitares tenaient lieu de jouets, et où les cuillères et les aiguilles jonchaient le sol… Une très jolie réflexion sur le côté sombre de cette chose pour laquelle nombre de martyrs tombèrent, et qu’on appelait le Rock’n’roll.
Frédéric Antona
The Fallow Land
Croydon Road
The Pointsman
The Crash
Chasing After Loss
Inadequate
Marlon R
Desire
Easy-paced Quarter
In a Hovel