ELECTRELANE – No Shouts No Calls
(Too Pure / Beggars) [site] – acheter ce disque
Après trois albums, les quatre filles d’Electrelane occupent une position plutôt enviable dans le petit monde rock : la critique dans son ensemble les soutient, leurs fans sont extraordinairement fervents (en témoigne leur récent et remarquable concert à la Cigale), elles sont respectées et admirées par leurs pairs et n’ont eu à faire aucune concession pour arriver là où elles sont. La seule chose qu’elles pourraient encore souhaiter, c’est un succès un peu plus large – sachant qu’elles ne risquent guère de déloger Justin Timberlake ou Jay-Z du sommet des charts internationaux -, évolution logique pour un groupe à ce stade de sa carrière. "No Shouts No Calls", dont le graphisme de pochette (trois-mâts et nœuds marins) évoque le grand large, va-t-il leur permettre de dépasser le statut plus ou moins culte qui est le leur depuis leurs débuts ? Si l’avenir proche le dira, ce nouveau disque est en tout cas ce qu’Electrelane a produit de plus accessible, sans marquer pour autant un recentrage "commercial" préjudiciable.
En cela, "No Shouts No Calls" est assez proche de leur deuxième album, "The Power Out", alors que le précédent, "Axes", s’inscrivait plutôt dans la continuité du premier, "Rock It to the Moon", composé d’instrumentaux longs et hypnotiques en descendance directe du krautrock. C’est la veine la plus pop et mélodieuse du groupe qui est à l’œuvre ici, avec des morceaux tournant généralement autour de trois ou quatre minutes plutôt que dix, et majoritairement chantés (même s’il ne s’agit parfois que de chœurs). "No Shouts…" se distingue toutefois de "The Power Out" par une volonté de simplicité : on ne trouvera pas ici de superpositions de voix comme sur "The Valleys", et pas plus d’adaptations de textes littéraires, Verity Susman préférant décliner toutes les nuances du sentiment amoureux sur fond de voyages en Europe de l’Est (Berlin, où les morceaux ont été écrits l’été dernier, Gdansk…).
Démarrant par deux chansons très dynamiques et accrocheuses, le disque ralentit un peu l’allure par la suite avant de reprendre sa vitesse de croisière sur "At Sea", disposé à son mitan. Un morceau particulièrement représentatif de l’art d’Electrelane, équivalent musical des montagnes russes ou du grand-huit : alternances d’accélérations et de décélérations, de montées et de descentes, de moments de calme et de poussées d’adrénaline. De fait, tout l’album est construit sur de tels contrastes, le ton guilleret de "Cut and Run" succédant par exemple à la tension anxiogène de "Five", instrumental de plus de six minutes. Reste qu’au bout de quatre disques, on n’a toujours pas percé le mystère d’Electrelane : pourquoi leur musique, fondée sur des éléments extrêmement basiques et dénuée de toute virtuosité ostentatoire, reste-t-elle aussi excitante, voire extatique – et ce, alors qu’on pouvait penser en avoir fait le tour ? Peut-être simplement parce qu’on sent ici dans chaque note de l’envie (et même de l’"en-vie"), là où tant de disques donnent l’impression de sortir d’un bac à glaçons, pour ne pas dire d’un tiroir de la morgue.
Vincent Arquillière
The Greater Times
To the East
After the Call
Tram 21
In Berlin
At Sea
Between the Wolf and the Dog
Saturday
Five
Cut and Run
The Lighthouse