BLEUBIRD – RIP USA
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C’est la grande maladie du rap, comme de beaucoup d’autres genres musicaux qui, contrairement au pop rock, n’ont pas grandi dans le culte du concept album. C’est le dilemme habituel de l’entertainer qui a tant à dire et à montrer qu’il peine à être sélectif et concis, qu’il ne parvient pas à concrétiser sur disque son incontestable talent. Sur son premier album sorti en 2003, Bleubird faisait preuve d’aisance, de truculence et de personnalité, et certains de ses sons étaient originaux et ingénieux. Mais tout mis bout à bout, cet album sorti en 2003 était l’un de ces disques verbeux et interminable dont regorge le hip hop. Il ne parvenait pas à fixer sur CD l’expérience convaincante qu’est un concert de l’ami floridien.
Quelques maxis et side projects mis à part, « RIP U$A (The Birdleu) » est le premier album de Bleubird depuis « Sloppy Doctor« . Après plus de trois années d’attente, et malgré 17 titres et une cohorte impressionnante d’invités (Sole et Alias, Subtitle, Maker et Nuccini de Giardini di Miro pour les plus connus, Scott da Ross et Skyrider pour ses collègues de label, le folk-rockeur Jim Wurster), on pouvait espérer que le Floridien avait su tirer profit de ce temps pour nous proposer un disque plus accompli que le précédent. Et il y parvient presque.
Le rappeur, pourtant, est fidèle à lui-même : il part dans tous les sens. Le fils d’anciens hippies qu’est Jacques Bruna fait honneur à sa mère en donnant à fond dans la contestation sociale et politique, se lançant par exemple dans une rhétorique anti-Bush capable d’aller au-delà des slogans habituels (« all our hatred for Bush has made him popular in the hearts of the monsters he made us » sur l’excellent « Very Beautiful Dangerous Joke »). D’autres fois, il affirme sa propre vision de la musique et du hip hop, faisant fi là aussi des mythes habituels (« Switchblades »). Dans ce déluge de paroles, le MC brasse un nombre infini de références allant de Captain Beefhart à Charlie Brown en passant par Lewis Caroll, Noam Chomsky et Sammy Davis Jr., et bien sûr il entretient son goût prononcé pour l’absurde et pour le cryptique (« I Make Weird », « United Nonsense »).
Bleubird poursuit donc son numéro de fou rappant. Et pendant ce temps, un paysage sonore aussi dingue et divers que les paroles se dévoile, cheminant du punk rock, aux glitches, à la guitare fuzz, à la mandoline, au banjo ou aux sons démembrés habituels à l’ami Subtitle (« Everything up », « United Nonsense »). L’album de ce beatnick rap est une grande cacophonie musicale. Riche de ces références rock que les artistes rap indé hésitent de moins en moins à assumer, il enchaîne avec le plus grand naturel une furie sonore à la Dead Kens et un sample d’Ol’Dirty Bastard (« RIP U$A »), par exemple. Et curieusement, c’est ce grand n’importe quoi, ce sont ces beats dans tous les sens qui font de « RIP U$A » un disque moins lassant que « Sloppy Doctor« . Même s’il lui reste une moitié de trop, même s’il s’éternise et s’épuise vers la fin, ce deuxième album de Floridien donne presque satisfaction.
Sylvain Bertot
Rip U§A
Writer
Very Beautiful Dangerous Joke
Switchblades
Weasel+Bird+Tiger
Hell Country
Drunk on Movement
Kill Guys
Everything Up (feat. Subtitle)
United Nonsense
I Make Weird
Duct Tape Rub(Bear)Room
Black Hawk Down (feat. Sole)
Dad’S Cheek (feat. Filkoe176)
Motivationally Speaking
Playing Dessup (feat. Filkoe176)
God’S Guns (feat. Jim Wurster)