KEREN ANN – Keren Ann
(EMI / Delabel) [site] – acheter ce disque
Cinquième disque solo d’une musicienne devenue nomade et jouant désormais entre New-York et Reykjavik, Pays-Bas et Mer Caspienne. A l’empreinte urbaine, capiteuse mais légèrement étouffante, du précédent opus "Nolita", ce nouvel album substitue la respiration des grands larges, en soufflant dans les voiles et déployant une science presque spatiale des arrangements. Keren Ann Zeidel bouscule ainsi sa neurasthénie en la sortant des pièces closes, des théières hivernales et des vertiges suicidaires. Non contente de rappeler sa maîtrise des codes du folk américain (depuis l’harmonica crève-cœur de "Lay Your Head Down" jusqu’à la rythmique de "Between the Flatland and the Caspian Sea" inspirée du travail de Mitchell Froom sur le "Nine Objects of Desire" de Suzanne Vega), elle élargit l’horizon avec des harmonies vocales, des zébrures électriques qui lui permettent de durcir le tempo (le très inattendu "It ain’t no Crime" en cabaret-rock étouffé), de légers écarts psyché ("It’s All a Lie") et une manière d’étirer le son et d’amplifier les codas qui creuse le vertige. Une fois de plus, tenue, justesse et frémissement mélodique séduiront ceux qui ont déjà renoncé à la nouvelle chanson française, mais pas au phrasé feutré et élégant de la demoiselle, quelque part entre Hardy et Vega. D’aucuns donneraient beaucoup pour tenir la note aiguë et fragile, le piano malingre, les cordes volatiles de "Where no Endings End". De quoi pardonner presque tout, même cet instrumental final, mal épaulé par Bardi Johannson et complètement hors sujet. De quoi embarquer sur le "Keren Ann" et se laisser dériver sur les eaux printanières jusqu’à la terre promise, même si la promesse est un mensonge.
David Larre
It’s All a Lie
Lay Your Head Down
In Your Back
The Harder Ships of the World
It ain’t no Crime
Where no Endings End
Liberty
Between the Flatland and the Caspian Sea
Caspia