ARVE HENRIKSEN – Strjon
(Rune Grammofon / La Baleine) [site] – acheter ce disque
Une trompette bouchée, éraillée, endolorie, souffle quelques notes comme pour convoquer des lambeaux de jazz fantôme, et puis s’arrête, bientôt relayée par un son de claviers dissonant (un orgue mal accordé), mais puissant. Voilà tout le charme d’une musique ambient minimale qui se donne la gageure d’évoquer, par les simples effets de textures et de saturations, un paysage ancien, celui d’un village médiéval, « Strjon » sur la côte Ouest de la Norvège, oùù est né Arve Henriksen. Par ailleurs membre de Supersilent, Henriksen, qui signe ici son troisième album, peint littéralement ses morceaux, à travers les couleurs des instruments choisis, par exemple les glissandi des cuivres et les percussions mélodiques, naturellement mêlés dans une évocation de l’élément liquide (« Twin Lake », « Green Water »), ou des claviers marmoréens (hum) pour l’élément minéral (« Black Mountain »).
Entre le prélèvement de sons dans les archives personnelles du Norvégien et leur minutieux assemblage, à la fois zen et vibrant, cette musique suppose une décantation lente, qui éclôt en une sorte de cantilène étrange sur le onzième titre, le plus spectaculaire à l’image du paysage qu’il évoque, la descente d’un glacier : basse puissante comme échappée d’un monastère bouddhiste, vocalise féminine dans le style de Meredith Monk, lent déplacement des cuivres, pas de doute, c’est le paysage entier qui tangue et bascule, porté par le crescendo. Un nouveau cas d’étude passionnant sur les effets musicaux possibles du réchauffement climatique, et, par ailleurs, un excellent disque.
David Larre
Evocation
Black Mountain
Ascent
Leaf and Rock
Ancient and Accepted Rite
Twin Lake
Green Water
Alpine Pyramid
Wind and Bow
Strjon
Glacier Descent
In the Light