CRËVECOEUR – #1
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Avant d’en explorer le contenu, il convient de s’attarder un instant sur le contenant du premier album de Crëvecœur, sobrement et logiquement intitulé "#1". C’est un digipack avec trois rabats, qui montre Fanny, Luc et Romain, les trois membres du groupe, allongés sur le sol, entourés par des guirlandes lumineuses, instruments, amplis, pédales d’effets… Sur la première photo, ils sont habillés, plutôt élégants ; sur la deuxième, ils sont nus, des pochettes de 33-tours cachant les zones sensibles ; sur la dernière, ils ne sont plus là. Cette esthétique de la disparition intrigue et amuse à la fois, renvoyant à ces musiques anonymes et interchangeables, techno ou muzak, d’où la présence humaine semble absente. On prête alors attention aux pochettes de vinyles posées ici et là. On reconnaît "Berlin" de Lou Reed, "Pet Sounds" des Beach Boys et, si notre vue est bonne, "On the Beach" de Neil Young. Soit l’exact opposé de ce qu’évoquait le portrait en triptyque : une musique dans laquelle ses créateurs ont mis toute leur âme, plutôt tourmentée d’ailleurs.
On pourrait penser alors que la musique de Crëvecœur tente le grand écart entre ces deux bornes, mais elle se tient en fait plutôt à côté. Instrumentale, affublée de titres qu’on pourra difficilement prendre pour des déclarations d’intentions, elle n’a pas forcément grand-chose à dire, mais ne donne pas pour autant l’impression d’être jouée par des robots – d’ailleurs, le groupe n’emploie quasiment pas de machines, préférant trompette, violon et instruments jouets. Quand on leur demande de la définir, ses auteurs parlent de "musiques de films au format pop-song", d’"opéra de poche sans chanteurs lyriques" où "les instruments chantent l’histoire des films". C’est un peu ça : des morceaux qui durent le temps d’une chanson (trois ou quatre minutes pour la plupart), bâtis sur les accords simples d’une guitare folk, mais qui rêvent de grands espaces et d’épopées, traversant les déserts déjà foulés par Ennio Morricone, Calexico ou Scenic. On pourrait parler de post-rock, étiquette fourre-tout et donc commode, mais la dynamique et la structure des morceaux ne rappellent pas vraiment Mogwai ou Tortoise. De toute façon, Fanny, Luc et Romain, multi-instrumentistes venus d’horizons divers (rock, jazz, classique…) ont du mal à citer une influence plus décisive qu’une autre. C’est sans doute ce qui fait la richesse et la force de leur musique, aussi inclassable que facile d’accès, méticuleuse (ils ont mis trois ans pour enregistrer l’album, entre Paris et Nancy) sans être chichiteuse. Plutôt qu’un Crëvecœur, un irrésistible attrape-cœurs.
Vincent Arquillière
Don’t Forget Your Hat
We Leave the Ranch
The Gasman and Me
Interlude
Slow Waltz with Elvis
Juliette
The Bluesman Championship
L’Equarisseur de songes
El Matador
Swinging on a Dead Horse
Track by track – “Excuse My French” de Julien Bouchard – POPnews
[…] a coécrit le texte avec mon copain Jean Elliot Senior [ex-membre de Crëvecœur]. Je voulais quelque chose qui sonne un peu comme du Neil Young (électrisé) en français , des […]