THE DECEMBERISTS – The Crane Wife
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Les Decemberists font partie de ces groupes américains qui, au fil des ans, des disques et des concerts, se sont constitué un public fidèle et fervent (même si pas forcément énorme) dans leur pays, mais qui restent quasiment inconnus chez nous. Espérons que, comme pour les Shins, cette situation change avec leur nouvel album, "The Crane Wife", leur quatrième (sans compter les EP), et le premier pour une major, Capitol, qui doit avoir un budget promo plus conséquent que leur ancien label, Kill Rock Stars.
"The Crane Wife", soit "l’épouse grue", la grue étant ici un oiseau, bien sûr. A l’origine du disque, il y a un conte traditionnel japonais trouvé par Colin Meloy, chanteur et songwriter du groupe, dans le rayon enfants d’une librairie de Portland. L’album ne prétend pas être une adaptation musicale de l’histoire, il en revisite plutôt les thèmes, sombres et assez éloignés de ce à quoi nous a habitués le rock américain. Rien d’étonnant quand on sait que les Decemberists se distinguent en reprenant des morceaux de Morrissey (là, ils ne sont pas les seuls) et apparaissent souvent vêtus d’uniformes de la guerre de Sécession (c’est déjà moins courant). L’ambition évidente de "The Crane Wife" était déjà en germe sur leurs albums précédents, même si elle s’exprimait dans un cadre plus restreint, faute de moyens. Cette fois-ci, le quintette a pu travailler dans des conditions idéales, passant près de trois mois en studio avec Chris Walla (guitariste de Death Cab for Cutie) et Tucker Marine (collaborateur de Laura Veirs, celle-ci faisant d’ailleurs une apparition sur une chanson).
Ce confort nouveau aurait pu conduire le groupe à rentrer dans le rang ; il semble au contraire avoir débridé son inspiration. Certes, l’album commence par 50 secondes très dépouillées, Meloy tout seul avec sa guitare, avant que les autres musiciens n’entrent en scène. Et une grande partie des chansons offrent une pop-folk indé assez orthodoxe, plaisante et mélodieuse, avec instrumentation "roots" (accordéon, pedal steel), dans la lignée de groupes comme Bright Eyes ou les méconnus Crooked Fingers. Mais ailleurs, les Decemberists se lâchent. Même s’ils avaient déjà livré de longs morceaux à tiroirs sur leurs disques précédents, ils n’étaient jamais allés aussi loin que sur "The Island", monstrueuse suite de treize minutes qui lorgne vers le rock progressif anglais des seventies (Genesis, King Crimson, voire Fairport Convention pour les accents celtiques), avec cascades de claviers, voix qui part dans les aigus, changements de rythmes et d’atmosphères… Certains fans auront peut-être du mal à avaler un tel brouet, et on a tout à fait le droit de préférer les morceaux plus directs du disque, comme "The Crane Wife 3", "Yankee Bayonet" ou "Sons & Daughters", tous parfaitement présentables à des fans de R.E.M. et Arcade Fire. Reste que cette prise de risques et ce sens de la démesure totalement assumé (qui ne fait pas pour autant sonner les Decemberists comme Muse) forcent l’admiration.
Vincent Arquillière
The Crane Wife 3
The Island : Come and See/The Landlord’s Daughter/You’ll Not Feel the Drowning
Yankee Bayonet (I Will Be Home Then)
O Valencia!
The Perfect Crime #2
When the War Came
Shankill Butchers
Summersong
The Crane Wife 1 & 2
Sons & Daughters