VIKING MOSES – Crosses
(Poptones / PIAS) [site] – acheter ce disque
Le Livre de l’Exode aurait-il supplanté les œuvres complètes de William Burroughs et le manuel d’utilisation de Cubase dans la bibliothèque de nos amis musiciens ? Toujours est-il qu’après un curieux concept-album collectif autour des plaies d’Egypte, voici que débarque un certain Viking Moses, soit "Moïse viking". A-t-il traversé la mer Rouge en drakkar ? Et qu’en pense le "Black Moses", Isaac Hayes ?
Brendon Massei de son vrai nom, 27 ans au compteur, Viking Moses se révèle en tout cas très convaincant dans le rôle du Prophète, les Tables de la Loi folk sous le bras, jetant au feu le Veau d’or devant lequel le public égaré se prosterne ces temps-ci – en gros, tous ces groupes, souvent en "The", qui font beaucoup de bruit pour pas grand-chose. On divague ? Un peu sans doute, mais lui aussi. Son premier album, "Crosses", arrivé via Poptones, le label danseuse d’Alan McGee, narre par le menu sa relation avec une certaine Emma, rencontrée un soir d’hiver 2001 à Chicago devant une part de pizza (c’est écrit, à la main, dans le livret). Leur belle histoire a duré trois mois, le disque dure une demi-heure : l’ami Moïse a le bon goût de ne pas s’appesantir, et lui en sait gré.
Car tout ici est léger ; moins bruyant, on ne voit guère que le silence. L’Américain bourlingueur a enregistré son album avec deux amis, live dans un bar où il travaillait alors, ajoutant ultérieurement quelques overdubs pour rendre la chose présentable. Pas difficile d’établir la généalogie du garçon : ses ancêtres s’appellent Leonard Cohen, Jonathan Richman ou Neil Young (période "After the Gold Rush") ; ses cousins, Will Oldham, James Yorkston, Herman Düne, M. Ward, Devendra Banhart ou Cat Power (il a tourné avec ces deux derniers). Simples, enfantines presque, les chansons portent parfois des prénoms féminins, mais à part Emma, il doit plutôt s’agir d’Etats d’Amérique ("Georgia", "Carolina", "Virginia", trois très brefs instrumentaux au piano, comme du Satie bastringue). Cette musique a fait la route, et si Massei avait vécu à l’époque de la Grande Dépression, il aurait sans doute sauté à l’arrière des trains, la guitare en bandoulière.
Croix de bois plutôt que croix de fer, "Crosses" se contente parfois de très peu, au risque de frôler l’inconsistance. Et puis, au détour d’une mélodie volatile, alors qu’on ne s’y attend pas, Viking Moses nous étreint pour ne plus nous lâcher. "Crosses" est un album qu’on aurait bien vu unique, mais non : le deuxième, "The Parts that Showed", que son auteur promet très différent, peut déjà être commandé.
Vincent Arquillière
Still My Home
Little Emma’s Smile
Country Gown
Georgia
My Husband’s Hand
Dancing by the Water Day
Carolina
Crosses
Whet Stones at Both My Sides
Virginia
Little Arms
Fingernail Moon
Delighted
Home
PS – Il existe une autre édition, en import, sous la forme d’un double CD "partagé". Le deuxième disque a été enregistré par un certain Spenking.