Avec « Les Lys brisés« , Barbara Carlotti a offert l’un des plus beaux disques (en) français de 2006, confirmant les belles promesses de son mini-album « Chansons« . De quoi motiver une rencontre avec une jeune femme aussi chaleureuse et drôle que déterminée, loin de l’évaporée romantique que certains de ses textes laissaient entrevoir. Une conversation où il sera question aussi bien de Baudelaire que de Belle & Sebastian, Scott Walker ou… Michel Delpech. Après y avoir assuré la première partie de Franck Monnet en novembre dernier, Barbara jouera en tête d’affiche à la Cigale le 13 février.
Au départ, on t’a connue via tes liens artistiques avec des gens comme Serge Bozon, le réalisateur de « Mods », ou Bertrand Burgalat. Tu n’avais pas peur que ça t’enferme dans une certaine image ?
Non, parce que mon travail n’est pas vraiment lié au leur. Il s’agit avant tout de relations amicales : mon pianiste, notamment, connaît très bien Serge et joue dans son prochain film. Et c’est vrai qu’on a des goûts en commun, qu’on partage une certaine esthétique. Mais je crois que plus j’avancerai dans mon parcours, moins les gens m’assimileront à tout ça. Après, j’aime bien l’idée de créer des mouvements, des mini-écoles… Je suis ravie d’être rattachée, de proche en loin, aux univers de ces gens-là, que j’apprécie aussi dans la vie. Serge est un réalisateur très cinéphile, comme mon pianiste, et je ne travaille bien qu’avec des gens avec lesquels je peux partager, qui m’apportent des choses. Je ne peux pas travailler seule, en circuit fermé, d’abord parce que je n’ai sans doute pas suffisamment confiance en moi.
Il y a dans ta musique et ta voix quelque chose d’assez désuet, suranné, qui ne correspond pas vraiment aux tendances actuelles. Tu en es consciente ?
Pas vraiment, ce n’est pas quelque chose que je maîtrise. Je ne peux pas avoir de regard extérieur sur moi, où tel quel je me dirais que ce que je fais sonne vieux… Et puis, je vis aujourd’hui ! (rires) Donc ce genre de qualificatifs n’a pas grand sens.
Cela vient peut-être aussi de tes textes, plutôt littéraires et recherchés.
Oui, c’est quelque chose que je partage avec des gens comme Bertrand Belin ou Murat, cette recherche d’une poésie. Pour autant, je ne me considère pas comme une poète, contrairement à Bertrand. Il y a une certaine spontanéité dans ce que j’écris, mais j’ai un goût pour la poésie et il se manifeste forcément dans mon écriture. J’ai eu des passions successives pour des écrivains, par périodes, en m’intéressant aussi bien à leur œuvre qu’à leur vie : Oscar Wilde, Baudelaire, Verlaine… Me confronter à des écrivains, ça me fait avancer.
Chanter en français, ça s’est imposé d’emblée ?
Oui, parce que je parle trop mal anglais ! Ce n’est pas quelque chose de naturel pour moi. Il y a juste un morceau en anglais sur l’album, écrit par mon guitariste. En revanche, j’écoute beaucoup de pop britannique et américaine, de folk, et j’aime quand même bien chanter des chansons en anglais, en fait, notamment une reprise des Pretty Things qu’on joue sur scène. Mais bon, j’ai quand même un accent à couper au couteau ! (rires) C’est plus pour m’amuser. J’ai d’ailleurs un projet avec mon guitariste, avec des chansons écrites par lui, principalement en anglais. En revanche, je me vois mal en écrire moi-même : pour moi, la chanson est un vecteur de sentiments, d’émotions, de sensations très personnels, et je ne peux le faire qu’en français.