FLORENT MARCHET – Rio Baril
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J’avais bien aimé "Gargilesse", le premier album de Florent Marchet. Un bon album de trentenaire qui ne se vautrait pas dans le delermisme ambiant, grâce à quelques ficelles maison qui faisaient la différence : des textes plutôt subtils, une pop qui empruntait suffisamment au modèle anglo-saxon pour ne pas être estampillée chanson française, et, globalement, un intimisme de bon aloi, et décomplexé. "Je m’en tire pas mal", chantait-il lui-même. Il avait raison.
Attendu au tournant du second album, Florent a pris les devants, et propose un concept-album au titre exotique, "Rio Baril", une ville sortie de son imagination, qui finalement tient plus du village franchouillard que de la mégalopole sud-américaine, à en croire les paroles du titre en question. Le clip qui va avec confirme cette volonté de peindre une province reculée et son mode de vie rustique, sans que l’on sache très bien si le regard porté sur cette France-là est tendre ou cruel, si l’on est chez Pernaut, à Marly-Gomont ou à Groland. Deuxième versant du concept : raconter en quinze morceaux les étapes de la vie du narrateur, en une sorte de portrait de l’artiste en jeune (puis moins jeune) Barillois. Bref, un portrait en faux, où l’on retrouve les préoccupations existentialo-contemporaines du Berrichon expatrié, à peine transposées. Il nous parle donc de ses traitements capillaires ("J’ai 35 ans"), des médicaments ("Les Cachets"), et du vieillissement en général, entre dérision – dans la forme surtout, lisant par exemple les notices des fameux cachets – et confidence.
Orchestré par les soins de Ryan Boesch, producteur de Eels, l’album est décidément bien parrainé : en plus du sus nommé, Dominique A, Katerine, l’écrivain Arnaud Cathrine, participent à la fête. C’est ce que l’on appelle un projet rondement mené. Ça commence d’ailleurs très bien, avec "Le Belvédère", chouette instrumental western. Malgré tous ces garde-fous, cette belle introduction, et cette production dense et variée, "Rio Baril" ne surprend pas vraiment : pourtant très conceptualisé, l’album semble répéter "Gargilesse" sans forcément en retrouver les éléments les plus enthousiasmants. Les paroles, surtout sur la première partie du film, euh…roman, non…album, malgré la mise à distance évoquée, ne font figure que de banales chroniques du quotidien, parfois moyennement pertinentes ("Elle est partie, notre jeunesse (…) Mes amis, changé d’adresse" sur "Notre Jeunesse"). Heureusement, le récit réserve plus de surprises vers la fin. Et l’on retrouve la voix de Florent avec moins de bonheur qu’espéré, cette voix trop familière, aux intonations, voire aux mélodies tout droit sorties de "Gargilesse" – malgré la multiplication des stratégies narratives -, une voix que l’on se surprend pourtant à plusieurs reprises à confondre avec celle de Souchon – drôle de syndrome, mais révélateur de l’usage de"recettes vocales" flagrantes ici.
Bref, un album bien pensé, bien accompagné, très bien produit (cf le très classe "Pavillon" tout de même), mais, peut-être écartelé entre la grosse artillerie déployée et des ambitions plus triviales, moins brillant que son prédécesseur. Loin de moi l’idée d’un "Retourne dans ton Berry, Florent !" ; j’espère seulement ne pas voir le jeune Marchet nous chanter dans dix ans : "C’était mieux avant…"
David Dufeu
Le Belvédère
Rio Baril
Il fait beau
Sous les draps
La Chance de ta vie
Ce Garçon
Les Bonnes Écoles
Notre Jeunesse
J’ai 35 Ans
La Chimie
Les Cachets
On a rien vu venir
France 3
Pavillon
Tout est oublié