KILL THE VULTURES – The Careless Flame
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Qu’il est bon d’être renforcé dans ses convictions, qu’il est agréable d’avoir eu raison. Il y quelques mois, notre chronique du premier Kill The Vultures se terminait sur un constat. Elle affirmait que la séparation d’Oddjobs avait été salutaire, que le groupe n’avait jamais été aussi intéressant que depuis qu’il avait éclaté en deux formations parallèles, celle même dont il est question ici ainsi que le duo Power Struggle. Et cela se trouve confirmé aujourd’hui, avec « The Careless Flame », un disque taillé dans le même roc que son prédécesseur, mais plus fini, plus abouti, idéalement court et qui plus est servi dans une jolie pochette. Sur leur premier album, Kill The Vultures avaient fondu le rap et le jazz comme ils l’avaient rarement été, dans une forme dure, punk et urbaine. Ici, ils ont peaufiné la formule. Après des années d’errance, après une poignée d’albums globalement bons mais toujours frustrants, ils se sont émancipés, ils ont trouvé leur voie.
Et celle-ci conduit tout droit à "Moonshine", le premier titre de ce nouvel album, le meilleur. "Moonshine", c’est le blues ultime du nouveau siècle, une complainte d’ivrogne, un fond de fatalisme, de déchéance, souligné par une simple ligne de basse, par des percussions lentes et intermittentes et par un saxophone fatigué et suggestif. Un morceau tellement bon qu’il faut prendre le temps de s’en remettre pour s’intéresser aux autres, qui valent pourtant et tout autant le détour. Car « The Careless Flame » porte la marque des grands albums : il s’en dégage une atmosphère unique et homogène, mais chaque titre qui le compose est différent. Il y a des plages toutes en percussions folles ("Dirty Hands"), des boucles fascinantes ("The Spider’s Eye"), une guitare lente et inquiétante ("Days Turn Into Nights"), du saxophone classieux ("Strangers in the Doorway"), cette mandoline mélancolique déjà samplée chez nos amis de Clothes Horse Records ("Vermillion") et des extraits d’enregistrements jazz recyclés et crédités sur la pochette. Tout cela, tout plein d’idées, pour un résultat unique.
Côté paroles, ça reste du rap. Mais un rap qui a perdu sa pose, ses exercices de style et son côté amuseur public pour se concentrer sur l’essentiel : les chansons, la musique. Un rap interprété par le seul Crescent Moon cette fois, en charge aussi de jouer de la guitare, toujours épaulé aux beats par Anatomy. Un rap fait de noirceur, de colère, de désespoir, d’amour/haine ("Days Turn into Nights"), de dénonciation ("Dirty Hands") et, cela a été mentionné par d’autres, habité par le fantôme de Tom Waits. Un rap à laisser l’auditeur sur les rotules après les 31 petites minutes du disque. C’est sans doute là le seul reproche que certains pourront faire à Kill the Vultures, ce côté agressif, abrasif, totalement épuisant. Mais c’est aussi pour cela que Kill the Vultures vaut plus que le rap bon enfant auquel se sont longtemps cantonnés Oddjobs. En 2005, en 2006, ce groupe phare de la scène indie rap du Midwest est arrivé au bout de sa longue route.
Sylvain Bertot
Moonshine
Dirty Hands
The Spider’s Eyes
Days Turn into Nights
Strangers in the Doorways
Birchwood
The Wine Thief
Vermillion
How Far Can a Dead Man Walk