MATT ELLIOTT – Failing Songs
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Après les chansons à boire qui ne parlaient pas de marins, voici les chansons ratées de l’Anglais Matt Elliott qui tournent définitivement le dos au passé "jungle" de leur auteur. Construites sur le même canevas que "Drinking Songs", "Failing Songs" fait toujours la part belle aux mélodies slaves et aux harmonies vocales quasi-liturgiques répandant une tristesse sourde. Il est toujours question de développements crescendos gonflés à coups d’overdubs et de reverse jusqu’à remplir entièrement l’espace sonore avant de se noyer dans les volutes d’une nouvelle mélodie plus calme, à la manière d’un classique fondu enchaîné. Il y a toujours cette atmosphère sombre propice à tous les épanchements de l’âme humaine. Il y a encore ces essaims de cordes geignardes qui figent le disque dans une ambiance de bal fantôme. Bref, la tentation est grande de dresser le tableau d’un disque romantique jouant à se faire peur avec le mythe du comte Dracula et les cabinets de curiosité de l’Angleterre victorienne. Tout cela pour dire qu’avec sa beauté glacée, "Failing Songs" autorise tous les fantasmes de chroniqueur flemmard, prompt à empiler des clichés confortables.
Que faut-il donc retenir de ce troisième opus ? Que Matt Elliott est un songwriter exigeant qui assume une écriture peu orthodoxe puisant dans le répertoire folklorique européen justifiant l’emploi d’instruments acoustiques aux couleurs très marquées (violons, guitares sèches, piano, accordéon…). Qu’il s’offre les mêmes libertés stylistiques qu’un Yann Tiersen à coups d’empilements successifs et de tempos en 3/4 flirtant avec la valse. Avec le même désir explorateur qu’à ses débuts, Matt Elliott suit les méandres de sa voix intérieure et invente un langage polyphonique d’une richesse peu commune. S’il y avait des cuivres, sa pop ressemblerait furieusement à celle de Beirut et aux disques d’Emir Kusturica. Elle n’en serait que plus banale. Aux réflexes clinquants et pétaradants des fanfares rock de l’Est, sa musique préfère les entrelacs fragiles et les rythmiques décharnées même si elle s’autorise parfois quelques coups de sang qui relancent la machine ("Chains", "Desemparado", "Good Pawn" ou "Planting Seeds"). Après plusieurs écoutes successives, les racines musicales se font plus mouvantes et hésitent entre l’Espagne, la Grèce et la Bulgarie. Hybride dans sa forme, jamais passéiste ni gratuit, ce disque couronne une décennie de recherche sur les textures sonores. Matt Elliott est un authentique maître de musique, un peu alchimiste, un peu illusionniste. Un type sacrément doué.
Luc Taramini
One Weight in Oil
Chains
The Séance
The Failing Songs
Broken Bones
Desemparado
Lone Gunmen Required
Good Pawn
The Ghost of Maria Callas
Gone
Planting Seeds