C’est désormais acquis : en 2007, la gare de Kings Cross à Londres sera le lieu de desserte des trains Eurostar en provenance de Paris et Bruxelles. Mais dans l’immédiat, elle n’est que le point de départ et d’arrivée de ceux traversant le Royaume-Uni dans le sens Nord-Sud – imposante bâtisse se situant à quelques mètres seulement de la Scala où, ce mercredi 18 octobre, se produisent à guichets fermés les Ecossais de Camera Obscura. Prendre l’Eurostar dans le seul but de voir jouer ce groupe s’est rapidement imposé comme une nécessité. Une nécessité matérielle, nulle scène française n’ayant à ce jour accueilli le sextette de Glasgow par ailleurs en passe de devenir objet de culte en Espagne. Mais surtout un ardent désir de se frotter à la réalité de chair et de sang ayant présidé à l’accouchement de l’un des albums les plus transcendants de l’année. Paru au printemps dernier sous un magnifique écrin fleuri, luxueusement produit, « Let’s Get Out of This Country » continue de propager un charme fou que de multiples écoutes refusent d’étioler. A l’instar du « Warmer Corners » des Lucksmiths de l’an dernier, il est de ces albums dont l’extrême classicisme pop de façade est miraculeusement vecteur d’émotions inédites et de perspectives nouvelles. Mais plus encore que l’affirmation d’un groupe, il marque l’avènement d’une plume d’envergure, celle de la chanteuse Tracyanne Campbell, signant avec un drôle d’aplomb la totalité des textes et mélodies de ce troisième long format. Coup de chance : c’est en tête-à-tête avec elle qu’il nous est offert de discuter backstage quelques minutes avant le début du concert. Ravissante et tout de blanc vêtue, elle salue d’une accorte poignée de main et paraît habitée de cette même force de caractère dans le civil que par écrit. Autant le dire honnêtement : sans l’absorption préalable de plusieurs whiskys au bar, le seul fait de soutenir son regard eût constitué une tâche insurmontable.
« Tracyanne, peux-tu nous présenter sommairement votre groupe, la manière dont les membres de Camera Obscura se sont rencontrés ?
Oh, ce n’est pas très passionnant, sincèrement. L’idée du groupe a commencé à germer vers 1993, nous nous sommes grosso modo connus à cette période. Puis, au cours des 5 années suivantes le line-up a connu quelques changements, de nouveaux membres sont apparus, mais ma mémoire n’est pas très bonne, je ne saurais dater précisément l’arrivée de chacun. Il n’y avait pas de concept très défini au départ, mais ce qui est certain c’est que j’ai toujours voulu jouer dans un groupe. Je ne me suis jamais imaginée faire quoi que soit d’autre de ma vie.
Le premier et excellent single issu de votre dernier album, « Lloyd, I’m Ready To Be Heartbroken », propose quelque chose d’assez inédit : la réponse, plus de 20 ans après, à une chanson de Lloyd Cole. D’où est venue cette idée ?
J’aime beaucoup Lloyd Cole, c’est un grand songwriter. L’idée me semblait intéressante de rebondir sur sa chanson « Are You Ready To Be Heartbroken ? » pour incarner aujourd’hui le personnage d’une fille en pleine tourmente sentimentale. Cela a rapidement fait tilt dans mon esprit. Et puis tu sais, tout simplement, c’est une de mes chansons préférées, figurant sur l’un de mes albums préférés (« Rattlesnakes« , Ndlr).
Le clip illustrant votre morceau comporte des séquences faisant explicitement référence aux comédies musicales américaines des années 50-60. Par ailleurs, bon nombre de vos visuels de pochette, à commencer par celui de ce single, sont très « cinématographiques ». Est-ce une dimension importante dans l’esthétique du groupe ?
Tout à fait. Il n’y pas réellement d’intention collective derrière tout ça, cela ne nous arrive pas souvent de nous regrouper tous ensemble pour regarder des films ou de discuter de cinéma. Mais il est vrai que c’est quelque chose qui nous a toujours tous beaucoup intéressé, moi la première. Au sujet des pochettes, j’ai toujours trouvé que c’était important de leur donner un aspect cinématographique, de manière à permettre aux auditeurs d’avoir dès le premier coup d’œil une idée de ce à quoi peut ressembler la musique. Quant au clip de « Lloyd… », l’idée ne venait pas de nous mais du réalisateur, dont la proposition nous a plu. Il y a une bonne part d’ironie derrière ce ballet un peu cucul-la-praline, mais apparemment, tout le monde n’a pas perçu ce décalage.