MOLOKO – Catalogue
(Echo / Pias) [site] – acheter ce disque
Dans le débat actuel autour du rôle des majors dans la marchandisation de la musique, Moloko préfère intervenir sur un mode plutôt provoc et auto-ironique, façon "pavé dans la mare des labels". Leur compilation de hits s’appelle "Catalogue" et la pochette nous accueille avec un design style "vente par correspondance", et l’air un rien rétro malgré les pseudo-stickers qui renvoient aussi à l’efficacité eBay. Le livret se déplie sur l’image d’une pyramide de cartons surmontés par les différents objets qu’on est censés pouvoir commander en ligne : l’ensemble évoque les boutiques de surprises-souvenirs kitsch genre "Soho". Ces choix visuels ouvrent le débat sur une double série d’interprétations possibles. Soit Mark Brydon, Roisin Murphy et Eddie Stevens tentent de suggérer qu’ils assument le côté commercial de leurs compositions, alors même que la plupart sont loin d’approcher le populisme promu par les majors. Même si "Bring It Back" a longuement squatté les charts MTV en 1999, il reste l’exception dans une suite d’albums dont la musique n’est pas particulièrement accessible "aux masses". Soit c’est une idée de Roisin Murphy qui, après son début solo sur un album encore plus expérimental, trouve ses années Moloko un peu légères. Ou alors c’est une stratégie qui consiste à enrober dans la douceur trompeuse du télé-achat des morceaux plus sévères, comme ceux des années ’90 : "Fun for Me", "Day for Night", "Where Is the What…", la plupart sur leur premier album "Do You Like My Tight Sweater". Car il y a une évolution du style Moloko à travers quatre albums, tout en gardant la même exigence mélodique et une inventivité réjouissante. Si en 1995 la couleur est minimaliste et sophistiquée comme un défilé Prada, les années 2000 marquent le virage progressif vers l’exubérance rythmique et chromatique digne d’un Galliano, même si "Pure Pleasure Seeker" rappelle toujours le style des débuts. Avec "Statues" on découvre l’un des albums les plus cohérents du groupe, une série imparable de hits déconstruits mais d’autant plus délicieux, un feu d’artifices dont ce best-of choisit les plus détonants : "Familiar Feelings", "Cannot Contain This" ou "Forever More" déclenchent le réflexe de la danse dans toute jambe qui n’est pas en bois. A la fin du disque, le pouls revient à des valeurs normales avec le mélancolique "Statues", un vrai poème d’adieu. Remarquons aussi, côté paroles, la passion pour des titres à consonne redoublée : "Fun for Me", Familiar Feeling", "Cannot Contain This", "Pure Pleasure Seeker", "Where Is the What…". La compilation finit bien entendu par contredire son visuel : c’est plutôt une exposition de haute couture qu’un catalogue de prêt-à-porter. LVMH devrait penser à leur proposer un rachat.
Gabriel Marian
The Time Is Now
Sing It Back
Fun for Me
Familiar Feeling
Pure Pleasure Seeker
Cannot Contain This
Bankrupt Emotionally
Day for Night
Indigo
The Flipside
Where Is the What If the What Is in Why
Forever More
Statues