BOCAGE – 0.2
(Autoproduit)
Des rythmes atypiques et une voix éthérée, voici les ingrédients principaux de la recette Bocage. Ce premier album repose sur huit titres, marqués par une homogénéité surprenante. Des arpèges de guitare qui font écho à cette voix désincarnée, partagée entre les langues anglaise et française. Il y a un minimalisme fascinant dans "O.2", comme des démos particulièrement abouties qui révèlent une fascination certaine pour les structures musicales non orthodoxes. Il en ressort une sorte de frustration, j’aurais aimé une production plus ample, qui rendrait justice aux intéressants délires du guitariste Timothée Demoury. Mais après tout, ce n’est que le début de l’histoire (comme le groupe le reconnaît lui-même en intitulant son disque "O.2.", version d’essai d’une musique en devenir). Les voix sur "Alpha Jet" m’évoquent les groupes de la Cold Wave, avec ces voix quasiment en talk-over, se superposant ou se répondant les unes aux autres, comme sur ces titres de Visage au début des 80’s.
Il y a cette chape de plomb qui pèse sur tout l’album, cette grisaille persistante (à grands renforts d’accords mineurs), qui donne une certaine lourdeur sonore à l’ensemble. Il n’est pas ici question de lourdeur au sens Black Sabbathien du terme, mais davantage de ces ciels chargés de nuages tels qu’on peut les trouver sur "Deserter’s Songs" de Mercury Rev. Ainsi, sur "Migrant Birds", avec cette montée sonore à la fin du morceau (la voix de Claire Weidmann qui s’envole vers les cimes, et la batterie qui part en boléro), on s’attend à une explosion finale, mais tout s’arrête soudainement… comme sur le "I Want You (She’s So Heavy)" des Beatles, et sa progression harmonique totalement hallucinante. "Lèves-Toi Machine", et son texte sur le caractère aliénant des habitudes quotidiennes, ou encore "Beautiful Like a Bud Protected by Mother’s Leaves", sans doute le morceau le plus puissant de l’album (car le groupe y fait éclater ce climat lourd pour partir dans un feu d’artifice de distorsions, tandis que Claire Weidmann survole le tout d’une voix angélique), révèlent tout le potentiel de Bocage. Très fort. Et Benoît Prisset est définitivement un des batteurs les plus intéressants du moment, avec ses valeurs décalées et son jeu très fluide. Malheureusement, il a, depuis la sortie du disque, quitté le groupe. Bocage marche aujourd’hui en duo.
Cet album est une belle promesse. Celle d’une originalité de composition qui, avec un peu plus de couleur et de lumière dans leur musique, pourra très certainement faire la différence.
Frédéric Antona
Le Sang
Alpha Jet
Les Eaux
Migrant Birds
Letter
Lèves-Toi Machine
Beautiful Like a Bud Protected by Mothers’ Leaves
La Ville