THE CURTAINS – Calamity
(Asthmatic Kitty / Differ-Ant) – acheter ce disque
"Calamity" est le quatrième album de The Curtains, groupe de pop expérimentale à géométrie variable fondé en l’an 2000 par Chris Cohen, généralement plus connu pour être le guitariste de Deerhoof. Il a en fait rejoint Deerhoof il y a trois ans seulement et s’évertue aujourd’hui à dire que ça n’a jamais été qu’un projet parallèle. Comme s’il cherchait un alibi à sa présence au sein de cette formation, qu’il vient de quitter au moment même où elle commence à percer. Son acte de bravoure en est d’autant plus respectable. Et on comprend à l’écoute de ses propres albums qu’il n’était pas à sa place au sein de Deerhoof : il se fait une bien plus haute idée de ce que doit être la musique. Car si l’opposition de style entre une voix infantile et des compositions rock un peu foldingues, qui est la marque de fabrique de Deerhoof, est parfois amusante, elle n’en demeure pas moins globalement irritante.
Après trois premiers albums assez expérimentaux qui lui ont permis de faire ses armes, Chris Cohen réalise avec "Calamity" son album le plus personnel, le plus achevé et le plus accessible à ce jour, l’un des tous meilleurs de cette année 2006. Sa musique est plus pop qu’auparavant mais toujours un peu barrée, mariant pop, psychédélisme et jazz d’avant-garde. Le processus d’écriture de ses chansons est un mystère : quelques notes de guitare ou des bribes de mélodies de voix lui suffisent à bâtir ses compositions ("World’s Most Dangerous Woman"). Il parvient avec une aisance désarmante à assembler des éléments dérisoires et parfois improbables (la chanson éponyme ou encore "Invisible String") en un tout cohérent. Ces éléments, un autre songwriter les aurait probablement mis au rebus et vite oubliés. Lui en tire quelque chose de fantastique. De part son originalité et sa variété, l’album est impossible à étiqueter. En cherchant bien, "Old Scott Rd" ou "Spinning Top" pourraient être l’œuvre de Jim O’Rourke, mais les comparaisons s’arrêtent là. Le summum est l’avant dernier morceau "Fell on a Rock and Broke it", leçon de punk aux groupes d’aujourd’hui qui s’y réfèrent, la folie feinte, la prétention et la hype en moins. Complètement renversant. Ses chansons dépassent rarement 2 minutes 30, mais il n’en faut pas plus pour nous contenter.
Chris Cohen, non content de jouer ici de tout sauf du trombone et les chœurs d’une chanson, est également producteur. Son jeu de batterie n’est ni très élaboré ni excessivement précis et son toucher est celui d’un débutant. On pourrait dire la même chose de sa voix. Mais ce qui fait sa force, c’est qu’il est doué d’une vista exceptionnelle. Le fait de jouer de la batterie ou de chanter n’apparaît que comme le prétexte à réaliser la chose de bout en bout par lui-même, démarche qui peut paraître un peu présomptueuse, mais qui – en l’occurrence – fonctionne à merveille, ce qui ne peut qu’être le fait d’un musicien exceptionnel. Un excellent disque se doit d’être doté d’une excellente pochette. On se délecte ici des dessins réalisés par Yasi Perera. L’un d’entre eux représente un assortiment de flacons contenant des potions de diverses couleurs et pourrait être interprété ainsi : "Arrêtez les drogues et écoutez ce disque en substitut". Enfin, "Calamity" est une porte d’accès aux réalisations de Chris Cohen au sein de Deerhoof. On arrive alors parfois à faire abstraction de la voix et à prendre toute la mesure de leur qualité. Une réussite à tous points de vue donc.
Nicolaz Guidon
Go Lucky
Green Water
Wysteria
The Thousandth Face
World’s Most Dangerous Woman
Tornado Traveler’s Fear
Roscomare
Old Scott Rd
Calamity
Invisible String
Brunswick Stew
Fell on a Rock & Broke It
Spinning Top