MCENROE – Mastermind
(Peanuts & Corn / Import) – acheter ce disque
« Here it is! The long awaited. It’s not a mixtape, it’s not an album. It’s somewhere in between. Mastermind! ». Mcenroe ne veut pas se mettre la pression. Avec cette précision en intro de ce nouveau disque, il prend les devants. Il ne faudra surtout pas comparer ce « Mastermind » à l’album précédent, l’excellent « Disenfranchised » qui, mine de rien, date maintenant de trois ans. Un album, ça se travaille, ça se peaufine tant et si bien que, si l’on fait le compte, si l’on exclut ses EP, ses projets collectifs, un split LP avec Pip Skid et ses productions pour les autres, le Canadien n’en a sorti qu’un seul. Et même s’il en existe une version « deluxe », ce nouvel enregistrement disponible uniquement sur le site de Peanuts & Corn ne saurait être autre chose qu’un divertissement, un en-cas, un side project, une compilation éclectique de tout un tas de titres que Mcenroe avait sur le feu ces derniers temps. La singularité de « Mastermind » par rapport au catalogue du label est d’ailleurs signalée par cette pochette humoristique, un clin d’oeil au célèbre jeu du même nom en rupture avec le design habituel des disques P&C.
Cependant, toute récréative et secondaire qu’elle soit, cette nouvelle sortie P&C apporte son lot de réussites et de réjouissances. Nullement tenu de respecter une quelconque unité de ton ou de thème, le canadien s’essaye à tout. Il commence par un ego trip de facture assez classique avec sample de violon (« Mastermind »), il conte les déconvenues du wannabe MCs (« Rejection » ; un abonnement complet à ce magazine à qui me rappelle le titre dont Mcenroe a ici pompé l’instru), il plaisante sur son régime alimentaire déséquilibré (« Cereal for Dinner »), il se livre avec talent à un énième recyclage de « Walk on By » (« Walk on »), il joue sur la similitude des mots « man » et « mad » (I’m Mad’), il sample adroitement un chant de messe (« Bday Chk from Jsus ») et une instru déjà aperçue sur le The Unseen de Quasimoto (« Alpha Fight », une réflexion sur la difficulté pour le Canada d’affirmer son identité), et il reprend de façon pertinente le « Something in the Way » de Nirvana sur un piano très dépouillé.
« Mastermind » est bourré d’idées. Il y a le bon dosage de skits humoristiques, tout juste ce qu’il faut d’hôtes de marque, et pas n’importe lesquels (Josh Martinez, le vieux compère Birdapres et Cadence Weapon, le nouveau chouchou du rap canadien), même si les titres où le rappeur partage le micro ne sont pas toujours les plus mémorables. En fait, l’unique inconvénient de cet album qui ne veut pas en être un, c’est qu’il est trop long, c’est qu’il s’éternise. A partir de « So Scared », et à quelques réussites près comme « Bday Chk from Jesus » et le listing d’idoles rock de « Idolized », il y a de quoi lâcher prise. Mcenroe redevient grave, il se fend du nécessaire titre engagé (« Save the Kids », sur l’apathie de la jeunesse actuelle) et les beats deviennent moins inspirés, moins drôles, plus linéaires. Finalement, les meilleurs moments de « Mastermind », c’est lorsque Mcenroe se rapproche le plus de l’esprit d’une mixtape, quand il est détendu, quand il s’amuse, quand il est sans prétention. Cela suffit amplement à donner un bon disque, quelle que soit son ambition de départ, quelle que soit la catégorie dans laquelle on décide de le ranger.
Sylvain Bertot
Intro
Mastermind
Rejection
King Me (feat. Birdapres)
Cereal For Dinner
Walk On
Something in the Way
I’m Mad
So Scared (feat. Josh Martinez)
Save the Kids
Going All Right
You Never
Bday Chk from Jsus
Standing Here
Idolized
Centrifuge (feat. Cadence Weapon)
Alpha Flight
Birdapres – Do That Dance Remix