EARLY DAY MINERS – Offshore
(Secretly Canadian / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
L’an dernier, Daniel Burton et ses hommes nous rendaient une copie quasiment parfaite avec "All Harm Ends Here" marquant l’aboutissement d’une quête musicale forgée en trois albums. A peine un an et demi plus tard, "Offshore" ajoute une nouvelle pierre à l’édifice toujours austère et habité de ces Américains décidément bien à rebours des modes. Puisant sa matière dans les sessions de "Let Us Garlands Bring" (2001), ce disque regarde sans vergogne dans le rétro sans qu’on puisse parler pour autant de nostalgie ou de crise d’inspiration. Toujours entouré d’un line-up impeccable (les fidèles Joseph Brumley, Jonathan Richardson et Mat Griffin), Burton a su tirer parti du talent de ses nouveaux invités : les guitares tourbillonnantes de Dan Matz (Windsor for the Derby) et le chant envoûtant de Amber Webber (Black Mountain) éclairant d’un halo sensible l’odyssée brumeuse dans laquelle l’auditeur glisse lentement, sans parler du travail d’orfèvre de John McEntire (Tortoise) au mixage et à la production. Soit une fine équipe venue seconder le maître ès spleens dans ses lavis de ciels lourds parsemés d’éclaircies. D’un abord assez sombre, "Offshore" porte à des sommets la mélancolie sans que celle-ci ne puisse jamais être taxée de maniérisme. Au contraire, dès la seconde écoute, la beauté un peu grave du disque révèle une sorte de paix intérieure radieuse et méditative. Comme des vigies postées dans le brouillard, les voix appellent et nous attirent vers les récifs familiers d’un Brian Eno ou d’un David Sylvian ("Deserter" et surtout le très beau morceau d’après orage "Return of the Native"). Concentrant les parties vocales au maximum, Burton choisit de les enrober au creux de longues envolées instrumentales qui inaugurent et bouclent l’album dans des sortes de mini-apothéoses à répétition. Mention spéciale au titre inaugural "Land of Pale Saints", long de neuf minutes, qui démarre sur un mur de guitares touffues avant de muer en cordes virevoltantes comme si Arvo Pärt avait tenu lui-même à terminer la partition. L’absence de transition renforce le côté "grand large" de ce post-rock sépulcral qui, décidément, préfère la haute-mer au cabotage. Impressionnant de maîtrise et de grâce, Offshore rappelle à bien des égards l’esprit tourmenté de Songs:Ohia ou de Yann Encre. Qui s’en plaindra ?
Luc Taramini
Land of Pale Saints
Deserter
Sans Revival
Return of the Native
Silent Tents
Hymn Beneath the Palisades