I LOVE YOU BUT I’VE CHOSEN DARKNESS
Après une première date française au Festival de Sédières où ils ont accompagné Echo & The Bunnymen, les Texans les plus courus du moment jouent à guichet fermé au Nouveau Casino. Entre la balance et le concert, une interview grandement arrosée d’eau (Paris, quand la canicule te tient !) les révèle aussi sympathiques et ouverts qu’ils sont sérieux et efficaces sur scène. Ce qui ne les empêche pas de mettre quelques pendules à l’heure sur leurs supposées influences, leur évolution depuis leurs débuts discographiques jusqu’au récent « Fear is on Our Side » ou même le sens de leur nom de scène. Quelques répliques bien senties de Christian Goyer (chanteur et compositeur), Timothy White (batteur) et Edward Robert (bassiste).
J’ai une première question, sans doute stupide mais inévitable, sur votre nom de groupe auquel on peut donner plusieurs significations. J’en vois au moins deux différentes, une plus intime adressée à une personne chère, une autre adressée à votre public : je t’aime mais n’essaie pas d’en savoir trop sur moi. Elles vous conviennent ?
Tim : en fait, nous avons lu cette phrase gravée sur une tombe.
Chris : ce n’est pas une déclaration publique en tout cas, mais quelque chose de plus intime, de plus personnel. Il n’y a pas de sens exact de cette proposition, chacun peut l’interpréter comme il le veut.
Tim (pince sans rire) : oui, nous sommes sortis de la lumière par exemple. C’est ambigu. Mais si tu y vois un sens précis, y a pas de problème, c’est le bon.
Beaucoup de gens associent votre musique à la musique anglaise du début des 80’s. Quel est votre lien particulier avec des groupes comme The Cure, Bauhaus ou Echo and The Bunnymen ?
Tim (plaisantant) : Bauhaus ou Bow Wow Wow ? Ben, en fait, nous avons tous une collection de disques.
Chris : j’aime bien ces groupes, mais moins cette association, car nous ne nous concevons pas comme un hommage à cette musique.
Ed : je me demande d’ailleurs comment définir la musique dont tu parles, ou ce qu’il y a de spécifique dans un tel son. Et je ne pense pas que nous sonnions vraiment de la même manière. Je pense par ailleurs que beaucoup de groupes ont commencé comme nous sans qu’on les tracasse avec cela. Parfois, lire : « voilà les quatre disques qu’ils possèdent » est un peu pénible.
Chris : nous aimons ces disques, comme tout le monde, mais leur influence ne participe pas de quelque chose de conscient pour nous.
Tim : c’est simplement la musique avec laquelle, toi comme nous, nous avons grandi.
Chris : encore une fois, cela ne participe pas d’un processus conscient. Quand j’écris une chanson, je n’entends pas répliquer une musique appartenant à une ère du passé. Nous avons des intentions précises, concernant le côté atmosphérique de notre musique par exemple, mais nous ne voulons pas sonner rétro. Nous écrivons des chansons et créons de façon naturelle en laissant les choses se produire.
Ed : d’ailleurs, certains disent que nous sommes un groupe Shoegazing et évoquent My Bloody Valentine.
Tim : ou même Can, ce qui est assez fou et très plaisant à la fois.
Ed : il faut se rappeler aussi que parmi les groupes que tu évoques, certains étaient eux-mêmes ramenés à autre chose dans les 80’s : Echo and the Bunnymen étaient considérés comme psychédéliques, comme réactivant ce genre.
Tim : nous n’aimons pas classifier les musiques et nous faisons la musique que nous faisons, en regrettant parfois que ce genre de classification empêche les gens d’écouter ce que nous faisons, dans une sorte de déni.
Chris : nous aimons, par ailleurs, des musiques qui couvrent un grand spectre de genres, des musiciens américains comme The Jesus Lizard ou Mission of Burma, toutes sortes de choses qu’on fait entrer dans l’indie-rock.
Vous avez aussi des liens avec les groupes texans, que ce soit Explosions in the Sky ou You’ll Know Us by the Trail of Dead.
Chris : oui, ce sont de bons amis et nous avons enregistré dans les studios de ces derniers.
Ed : ce sont des groupes qui viennent tous d’Austin, qui n’est pas une ville si grande. Nous nous connaissons tous. Nous jouons ensemble et les uns sur les disques des autres. Mais par ailleurs, on ne peut pas vraiment parler d’une scène propre à la ville, car tous les groupes ont un son différent.
Chris : oui, rien à voir avec Seattle ou New-York dans les 90’s.
Ed : il y a tout de même eu un son country-rock propre à Austin dans les 70’s.
Chris : et un son punk-rock à la fin des 80’s autour des Butthole Surfers, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, où tant de genres musicaux différents sont présents.