MATMOS – The Rose Has Teeth In The Mouth Of A Beast
(Matador / Beggars Banquet) [site] – acheter ce disque
Un disque de Matmos fait toujours date pour la musique électronique au même titre que les excursions bigarrées d’un Aphex Twin ou d’un Atom Heart. Le duo de San Francisco Drew Daniel – Martin C. Schmidt est un pourvoyeur de fond du concept d’Intelligent Dance Music (IDM) : en mêlant habilement les musiques savantes avec un goût prononcé pour l’expérimentation de tout bord (captation de sons concrets, field recording, riches orchestrations de cordes), l’humour et les collaborations prestigieuses (Björk, Antony, Blevin Blectum ou le Kronos Quartet).
Après un "Civil War" déroutant, sur le thème des musiques populaires de guerre, le "Rat Relocation Program" (dispositif sonore de 40mn autour d’un rat dans une cage), Matmos revient vers ses premières amours développées sur le magistral "A Chance to Cut is a Chance to Cure" ou plus médiatiquement avec Björk. Les morceaux se singularisent pas leurs rythmes binaires et répétitifs, entêtants notamment sur le "Rag For Williams Burroughs"… Les références artistiques et culturelles sont toujours nombreuses (avec notamment à un hommage au compositeur iconoclaste Joe Meek ou plus drôle au Roi Ludwig II de Bavière).
La richesse de Matmos repose aussi sur une variété instrumentale incroyable : piano préparés, theremin, dents (?) et roses (??), un serpent (!), noix de coco, bruit de brûlures de cigarette (orchestrées sur le bras de Don Bolles), des instruments de gynécologie (vacuum cleaner tubes, cow uterus…) qui rappellent leur goût unique pour l’univers hospitalier.
Matmos est un creuset pour toutes les musiques, des morceaux pop résolument dance floor, proches de Soft Pink Truth (autre projet de Drew Daniel), des plages ambient aux fonds jazzy tout droit issues des BO de John Barry ou Henri Mancini, du garage rock déstructuré, des musiques traditionnelles…
Les expérimentations les plus ardues et aussi les plus hardies sont cadrées par de nombreux auteurs avant-gardistes : l’excellente voix norvégienne de Maja Rajtke, la harpiste new yorkaise et collaboratrice régulière du duo Zeena Parkins ou leur collègue de chambre Markus Schmikler (Pluramon).
Ce "Rose Has Teeth in the Mouth of a Beast" apporte une fraîcheur incomparable dans les musiques électroniques d’aujourd’hui, même si la formule d’écriture ne surprendra pas les plus assidus de Matmos. Je sens que la splendeur de leurs créations prendra comme d’habitude forme sur scène, et l’occasion de se faire cette idée arrivera bientôt.
Jiess
Roses and Teeth for Ludwig Wittgenstein
Steam and Sequins for Larry Levan
Tract for Valerie Solanas
Public Sex for Boyd Mc Donald
Semen Song for James Bidgood
Snails and Lasers for Patricia Highsmith
Germs Burn for Sarby Crash
Solo Buttons for Joe Meek
Rag for William S. Burroughs
Banquet for King Ludwig II of Bavaria