JOE RATH – Don’t Be A Martyr
(Beyond Space Entertainment) [site] – acheter ce disque
Joe Rath nest pas né dhier. Ce natif de Clifton, New Jersey, a paraît-il déjà enregistré une dizaine dalbums. Mais la plupart de tout cela sest passé dans la plus grande confidentialité et sur CD-R, si lon excepte un « He Meant Well » sorti chez Motion Recordings en 2002 et remarqué par les plus fureteurs des critiques hip hop de lépoque. En ce qui nous concerne, ce nest quavec lEP « Overwhelmed » proposé lannée daprès par Beyond Space Entertainment que le rappeur sest fait connaître. Les six chansons de ce court disque à la pochette rouge étaient inégales, mais lentraînant « Marilyns Diary » et la beauté sombre de « Parliament Lights », une histoire de copine suicidaire, laissaient augurer le meilleur. Et ce meilleur na pas tardé. Il a pris forme dès 2004 avec « Dont Be a Martyr », un album complet où la quasi totalité des titres proposés étaient vraiment, vraiment très bons.
Joe Rath, cest laboutissement du folk rap, du emceeing sensible et intimiste sur fond de guitare, du songwriting hip hop. Le disque prend dautant plus cette direction que cest Poor Richard, le plus pop rock des collaborateurs du rappeur, qui en produit lintégralité. Et cette unité de production savère une idée excellente, comme celle de proposer dentrée un « The Bads Outweigh the Goods » admirablement servi par une guitare (puisquon vous dit quil y en a partout), quelques cloches et une boucle de piano, le titre le plus évident du disque. Le plus évident, oui, mais pas forcément le plus marquant. « Black Prince Distillery », « Caught with Mina Loy », « Especially an Oath » et « Morning Gutter Birds » sont aussi des merveilles de récits damours tragiques et sans issue, de magnifiques histoires de trahison, dabandon et de vies ratées, de purs bijoux noirs faits de misanthropie (« it’s the cruelty that makes the man, and of course, it’s not soothing to shake a hand, there’s sweat and there’s residue, uneasiness that presses you » sur « Morning Gutter Birds ») et de pessimisme fondamental. Avec toujours, toujours, cette guitare acoustique ou discrètement électrique, et quelques arguments supplémentaires, orgue, piano ou sons synthétiques, pour souligner habilement le propos.
Mais comme lindique le titre, une phrase que la mère du rappeur aimait lui répéter, le disque nest pas pur défaitisme et passivité. Joe Rath ne manque pas loccasion de redresser la tête et dinviter à laction sur les deux derniers titres, et ceux-ci, « Lost Appeal » et « And Im Spent » sont précisément les moments où lalbum atteint ses sommets, tant par la force des paroles que par la richesse de laccompagnement musical. Il ny a plus ce mariage mal arrangé entre raps et musique pop rock qui posait problème sur « Overwhelmed ». Il ny a plus les innombrables maladresses qui résultent souvent de ce mélange des genres. Sur Dont Be a Martyr, il ny a plus que la forme la plus achevée de ce genre à part entière quest devenu le hip hop intimiste à guitare.
Sylvain Bertot
The Bads Outweigh The Goods
Another Poor Excuse
Black Prince Distillery
Parlor Tricks
Forget April
Caught With Mina Loy
Hannah’s Unfortunate Shot
Especially An Oath
Morning Gutter Birds
The Bulk
Lost Appeal
And I’m Spent