CATLANDGREY – °catlandgrey°
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A la vue du curieux batracien qui surgit des nuages sur la pochette de l’album des non moins bizarrement nommés Catlandgrey, on devine que l’on a affaire à un univers surréaliste. Quant à savoir si cet univers-là tient plus du déjanté que de l’onirisme, une première écoute permet de pencher assez vite pour la seconde hypothèse : lenteur à tous les étages, arpèges de guitare sèche et sans effets (de manche), à la Montgolfier Brothers, s’imposent d’entrée. En bonus et crédités sur l’album : hululements de chouettes + philosophie par le Japonais Nihiruneko, et cris perçants ("squeals") du Canadien Nick Grey – ces deux-là font la paire pour transformer de petites mélodies tristes et simples en projet conceptuel ambitieux, et atteignent sur ce court album une profondeur souvent impressionnante. Jamais pesante, la mélancolie sourde, tenace, qui traverse °catlandgrey°, tient moins du lyrisme de Low que des morceaux les plus sombres de A Silver Mt. Zion : mêmes bruitages répétitifs et angoissants, même nostalgie d’un paradis perdu ; on se croirait coincé au milieu d’un tableau de Jérôme Bosch – la petite bébête sur la pochette évoque d’ailleurs une créature de "La Nef des fous" ou du "Jardin des délices terrestres". Délicieuse vision de l’enfer, donc, que propose le groupe, empreinte d’un mysticisme et d’une nostalgie quasiment bibliques, et aux références religieuses explicites, parmi lesquelles, et non des moindres, le deuxième titre, "An Attempt to Reach the Hand of God (Lacking Rythm)", est sans doute à comprendre à la fois comme une orientation artistique (ou même vitale) et comme une pirouette ironique. De même, des "Interludes" – en fait les morceaux 3, 5 et 7 – viennent brouiller les pistes, soit en désamorçant un moment la gravité de l’album, soit en enfonçant le clou du côté obscur de la force. Catlandgrey prend sans doute au pied de la lettre l’idée selon laquelle le rire est la politesse du désespoir, et en joue à merveille. D’aucuns y verront un album de plus qui explore les tréfonds de l’âme humaine avec ce qu’il faut de résignation pour en percer quelque mystère – dans la lignée d’un Will Oldham, pour ne citer que lui. D’autres, dont je suis, y trouveront une tentative souvent fructueuse de soulever l’enthousiasme – pour le coup, au sens étymologique, et donc divin du terme – qui sied à une introspection sans concession.
David Dufeu
The Night Before Thanksgiving (Tale of Jesus Jose)
An Attempt to Reach The Hand of God (Lacking Rhythm)
Interlude (Excerpt From a Bald Cell’s Diary)
Dead Fabrizio (A Galaxy of Ever Exploding Gondolieri)
Interlude (Summoning of The She-Ghosts)
Oh I’ll Be Waiting in The Hills (With my Wife)
Interlude (The Angry Footballer)
An Untitled, Unfinished Song (…But Featuring the Word Limousine)