BARDO POND – Ticket Crystals
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"Bufo Alvarius", le premier album de Bardo Pond est paru en 1996. Tout de suite rangés dans une case entre Sonic Youth et King Crimson, la bataille de la longévité s’annonçait rude pour cette bande de gentils allumés de Philadelphie. Après près d’une décennie chez Matador et quatre albums passés quasiment inaperçus de ce côté de l’Atlantique, Bardo Pond réapparaît sur le versant discographique du festival All Tomorrow’s Parties qui accueille leurs voyages sonores depuis le double "On The Ellipse" en 2003.
Comme le précédent, ce disque a été enregistré dans leur quartier général, la Lemur House, une sorte de colocation pour artistes peintres ou musiciens d’un esprit collectif et délicieusement bohème. Depuis les cultissimes This Heat à la fin des 70’s, les détournements de bâtiments commerciaux en temples de la musique n’ont pas toujours engendré de disques magnifiques. Mais sur ce "Ticket Crystals", on sent comme un écho naturel, une tension artistique très forte du lieu d’enregistrement qui s’immisce entre chaque son de ces précieuses divagations.
Comme toujours, on sent le psychédélisme des 70’s poindre le bout de son nez chaque fois qu’Isobel Sollenberger ouvre sa bouche ; mais contrairement aux autres albums de Bardo Pond, sa palette vocale est ici d’une richesse hallucinante. Effets de voix stéréo, murmures à l’oreille, distorsion des mots, elle nous caresse l’esprit plus qu’elle nous prend la tête.
Sur "Lost Word" et son intro à la Mogwaï, le trip Katmandou et bâtonnets d’encens est évité avec brio malgré la forte présence de clochettes, flûte et bol tibétain. "Cry Baby Cry" échappé du double blanc des Beatles écope d’une construction en mille feuilles, souvent utilisée par les frères Gibbons, les deux leaders naturels du groupe : ça commence par une basse paresseuse, puis les strates de sons plus ou moins reconnaissables se superposent jusqu’à former un échafaudage à l’équilibre précaire. L’appel du vide se fait souvent sentir chez Bardo Pond.
Ce qui est frappant sur "Ticket Crystals", c’est un côté folk qu’on entendait rarement sur les albums passés. La guitare acoustique sur "Isle" et "Moonshine" suit une ligne de fuite tracée par l’omniprésente distorsion chère aux musiciens.
L’alternance de morceaux longs et courts (de 5 à 18 minutes) permet de suivre une playlist subtile sans qu’on s’ennuie une seule minute. Si le groupe a mis en veilleuse sa puissance sonore et hypnotique, il a gagné en qualité mélodique. 100% naturelle, cette récolte de Bardo Pond est pour cette année d’une pureté sans nuages.
Ursa Graph
Destroying Angel
Isle
Lost Word
Cry Baby Cry
FC II
Moonshine
Endurance
Montana Sacra II