SHEARWATER – Palo Santo
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On comprend tout de suite ici que l’on affaire à un très grand album. Dès les premières minutes. Les deux premières pour être plus précis, où la voix de Jonathan Meiburg, qui a beau se faire inquiétante, nous intime l’ordre de rester à l’écoute. Ces deux premières minutes de "La Dame et la Licorne" sont donc très importantes. Et même si tout évoluera et prendra de l’ampleur par la suite, on peut dire que c’est sur ce socle que prendra tout son sens l’architecture de "Palo Santo".
Un bel édifice fait de plusieurs étages où, flânant, on tombe sur plusieurs fantômes aussi prestigieux les uns que les autres. Ainsi, sans perdre sa religion, l’ancien protagoniste d’Okkervil River s’envole au fil de cette introduction, et l’on imagine très bien Michael Stipe vert de jalousie à l’écoute de ce bijou.
Ensuite, avec "Red Sea, Black Sea", on monte d’un cran, passant du coq à l’âne (on songerait même à acheter l’intégrale des Sous-Doués si cette chanson figurait au générique. C’est pour dire…).
Puis c’est le spectre de Will Oldham qui se profile au détour d’un couloir, il semblerait même qu’il soit en costard, assez classe ("White Waves"). Avec le titre qui donne son nom à l’album ("Palo Santo"), on savoure un intermède en forme de comptine automnale, splendide pic à glace donnant tout de même envie de retourner au Texas, histoire de se réchauffer. C’est chose faite avec le vigoureux "Seventy-Four, Seventy-Five", qui redonne ses lettres de noblesse à la pop dite moderne.
Après ce tournant et ces variantes enchaînées avec brio, personne ("Nobody") ne pourra échapper à la beauté de perles folk, aussi intimistes et troublantes qu’une rencontre avec Brian Eno dans un ascenseur (forcément…). Ou encore de croiser le regard mélancolique de Nick Drake au travers d’une vitre ("Sing, Little Birdie").
Toujours sans se poser trop de questions, la magie continue à opérer (même si "Johnny Viola") et l’on se dit que si un ami avait encore l’intention de nous emmener voir Mercury Rev en concert, on se mettrait à prier ferme pour que ce soit Shearwater qui les remplace. Car avec ce quatrième album en cinq ans, ce groupe prouve ici que passer de Palace au Velvet ("Failed Queen"), ou de Nick Drake à Talk Talk est chose naturelle. Et, outre le fait que ces ponts donnent une totale cohérence à l’album, ils n’en procurent pas moins des émotions aussi variées que jouissives.
Au final, ce disque se dissipera dans les mêmes brumes qui l’auront vu émerger (le très bien nommé "Going is Song") et, à l’image du monstre du Loch Ness, on se demande encore si l’on n’a pas rêvé.
Charles Goethals
La Dame et La Licorne
Red Sea, Black Sea
White Waves
Palo Santo
Seventy-Four, Seventy-Five
Nobody
Sing, Little Birdie
Johnny Viola
Failed Queen
Hail, Mary
Going Is Song