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Interviews

Patrick Eudeline – Interview avec les Violett

PATRICK EUDELINE & VIOLETT – Interview, Avril 2006

Cet article devait normalement prendre la forme d’une interview. Mais cela ne se passa pas comme prévu avec Patrick Eudeline. Depuis notre dernière entrevue il y a tout juste un an, je sais que les règles traditionnelles de l’interview sont totalement modifiées (lui-même déteste procéder de la sorte), et que l’on a plutôt affaire à une discussion animée et passionnée qu’à un traditionnel jeu de questions-réponses. L’entretien avait été booké pour samedi dernier, chez lui, à Paris, en compagnie des membres de deux groupes de cette fameuse « nouvelle scène parisienne », les Violett et les Naast, dans le cadre d’une interview croisée, selon la formule consacrée. Pour des raisons de disponibilité, les Naast ne purent être présents. Je me retrouvais donc exactement dans la même configuration que l’année passée, Patrick, les Violett, et votre serviteur. De ce fait, j’ai vu cette rencontre comme une manière de dresser un bilan de cette année passée (pleine de concerts pour les Violett, sortie d’un disque pour Patrick), de voir l’évolution de cette scène parisienne et des espoirs placés en elle, de lever les a priori parfois tenaces sur sa légitimité.

J’arrive à bon port (après avoir très intelligemment oublié le code de la porte !), et la discussion s’amorce, entre Patrick et moi, sur un point crucial : « Mauvaise Etoile », son nouvel album. Dans la chronique que j’ai faite de son album, je faisais part de ma préférence initiale pour l’album précédent, qui était, à mon sens, plus représentatif de la folie présente dans ses prestations scéniques. Le nouvel album, bien qu’excellent, souffrait parfois d’un manque de ce côté « gothique flamboyant » si caractéristique de sa personne. Je m’attendais à ce que ces remarques le frappent et l’indignent. C’est pour cela que j’entrepris de désamorcer la situation en lui demandant d’entrée ce qu’il avait pensé de la chronique. Sa réponse fut sans appel : « Si je suis ta logique, puisque je n’ai plus une seringue dans le bras et que je ne traverse plus les merdes que j’ai connues dans les années 80, je ne fais plus rien de bien, en gros ? ». En effet, la chronique l’a touché, d’autant que mon propos n’était pas là, et a nettement évolué depuis la chronique en question, les chansons prenant toute leur dimension dans le mix définitif que je n’avais pas à ma disposition à l’époque de l’élaboration de mon article, ce qui me donna une impression faussée de l’album. Je m’attachai à lui démontrer que ce qui m’avait davantage frappé était le timbre de sa voix, plus gainsbourien, qui tranchait radicalement avec le lyrisme dont il fait preuve sur scène. A ces mots, Eudeline me fait part de la difficulté de se placer en matière de chant : « En France, il y a deux façons de chanter bien distinctes : celle de Gainsbourg et celle d’Hallyday ». (« La distanciation et le lyrisme », comme l’indiquait Patrick dans un de ses articles pour Rock & Folk, ndlr). « J’avais dans l’optique de faire un disque de variété, un disque pop. Pourquoi ? Parce que je suis fan de Spector, des girls groups et tout ça… Le côté plus intériorisé, Scott Walker, est tout à fait volontaire ». Patrick est fier de l’album, qu’il considère comme son premier essai solo véritablement concluant. « Je suis content, car les personnes que je respecte le plus dans le métier ont décroché leur téléphone pour me dire qu’ils trouvaient l’album réussi : Bashung, Christophe, Bertrand Burgalat…. L’album précédent avait été produit à la vas-y-comme-je-te-pousse, et n’était pas concluant à mon sens, bien qu’il y ait de bons morceaux dessus, « Julien » ou « le Grand Huit ».

Je l’interroge sur « La Houle », ce morceau insensé qui figure sur « Mauvaise étoile », une montée permanente qui évoque les tourbillons de son esprit. J’évoque Brian Wilson, qui voyait dans « Good Vibrations » la somme de sa vision musicale, et lui demande si l’on peut considérer « La Houle » comme la quintessence eudelinienne. « En fait, ce morceau a été presque raté en tant que tel. C’est le problème de ces morceaux quasiment impossibles à mener à bien, ce sont des projets tellement importants… Je l’ai enregistré avec les musiciens de Tanger et d’A.S. Dragon, live, et ce fut très dur à enregistrer, alors que ce sont d’excellents musiciens. Cette impression de montée permanente est en fait un artifice harmonique, comme Wagner l’utilisait. En pop, les Temptations, les Everly Brothers utilisent une technique similaire. Tu es le premier à me parler de « La Houle », la plupart des gens retiennent davantage « Agneau de Dieu, Agneau Glacé », pour le côté gainsbourien, les chœurs féminins… » Patrick part alors sur une évocation de la ligne de basse descendante de « Sunny Afternoon » des Kinks, l’accord de Tristan et Iseult, les quintes diminuées…

Je retourne à la question des reprises, qui m’avaient amené à un sentiment de frustration par rapport aux morceaux originaux. Eudeline s’en explique ainsi : « C’était une volonté claire de ma part, le choix des reprises, car elles révèlent clairement ce que l’on est, d’où on vient, parfois même plus qu’un morceau original ».

La « nouvelle scène rock parisienne ». Conjonctions de groupes divers et variés, unis autour d’un même idéal. Le Rock’n’Roll. Voilà un peu plus d’un an que cette scène connaît un essor notable, les articles se multiplient sur la question, tendant parfois à mettre dans un même sac des groupes pourtant assez différents, ne serait-ce que pour les raisons qui les ont poussés à composer et à monter sur scène. Les Violett ont-elles répondu à l’appel lancé par un certain Pete Doherty, par les deux albums commis par Les Libertines, puis en solo ? « Pas du tout », me répond Trixy Violett, guitariste chanteuse du groupe. Un certain nombre de groupes de cette scène ont en effet été influencés par Doherty (notamment les Parisians, ndlr), mais nous sommes, pour le coup, complètement passés à côté. Lorsque nous voyions les articles sur Pete Doherty écrits par Virginie Despentes, nous ne les lisions pas vraiment. Nos influences étaient ailleurs. Lorsque je leur demande si l’on peut considérer Pete Doherty comme un « vrai » (un dandy échevelé, romantique junkie se revendiquant de la mythologie rock), Patrick prend la parole. « Oui, j’en suis persuadé. A mon sens, il faut qu’il travaille encore ses chansons, mais oui, tout y est. »

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