THE BUZZCOCKS – Flat-Pack Philosophy
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Reprendre les choses où elles ont été laissées à l’automne 1977, lors des derniers feux de l’été de la haine. Telle est l’impression m’étreignant dès la première écoute de ce nouvel album des Buzzcocks. En voilà un mythe vivant. En faisant venir à Manchester les Sex Pistols, où ils traumatisèrent des personnes aussi essentielles que Morrissey ou les futurs membres de Joy Division, ils furent les premiers à faire sortir le punk de la zone londonienne. En trente ans, ils disséminèrent une poignée d’albums, dont quelques chefs-d’œuvre, parmi lesquels le fantastique "Another Story in a Different Kitchen", grand moment de power-pop-punk. Mais que s’est-il passé depuis 30 ans ? La vie, tout simplement. Le punk-rock est passé, les modes se sont succédé… Un Buzzcocks de 2006, c’est censé ressembler à quoi ? Réponse évidente dès les premières notes : à un disque qui aurait pu sortir en 1977, tout simplement. Ayant contribué, avec quelques-uns (les Pistols, les Clash ou les Ramones), à donner au punk rock sa forme définitive, prêts pour l’embaumement et l’Histoire (si l’on excepte les Stooges, mais c’en est une autre, d’histoire), ils ont le droit divin de continuer de lancer au ciel ces riffs chromés, ces barrés guitaristiques qui firent école. Avec "I Don’t Exist", on renoue avec la tradition de la famille Buzzcocks, tout en électricité débordante, claquements de mains et chœurs jouissifs. Ce qui est hallucinant à l’écoute du disque, c’est qu’il semble ne rien s’être passé depuis l’âge d’or du punk. Ce qui me chagrine, c’est que ces pionniers semblent avoir perdu de vue que la musique qui fait vibrer n’est pas question de forme, mais de fond. La rage est-elle toujours là, derrière les murs de guitares ?
Il serait ridicule de bouder son plaisir à l’écoute de ce disque. C’est simplement que… je m’attendais à autre chose. Je considère toujours que la survie d’un groupe tient à sa capacité de renouvellement et l’exploration de son potentiel. La stagnation n’est pas, à mon point de vue, une bonne solution, même lorsqu’elle permet (parfois) la sortie d’albums tout à fait honorables, comme c’est le cas ici. La plupart des morceaux (comme l’excellent "Big Brother Wheels") sont indéniablement bons, mais l’élément de danger, si présent dans leurs premiers enregistrements, est ici étrangement absent. Est-ce le prix à payer pour vieillir ? Il y a un certain plaisir que d’aucuns qualifieront d’archéologique à écouter ce disque. Un sourire en coin en se disant que ces quinquagénaires savent encore faire parler la poudre. La déflagration est importante et impressionnante, mais ne sert à rien si on tire à blanc. Que Pete Shelley se souvienne que sa rencontre avec Howard Devoto et leur association fructueuse naquit autour de l’intérêt commun qu’ils avaient tous deux pour un groupe qui, au cours de sa courte carrière, sortit quatre disques aussi dissemblables qu’indispensables : le Velvet Underground.
Les Buzzcocks méritent bien mieux que d’être assimilés à des parrains d’une scène crypto-punk qui, la plupart du temps, ne saisit rien de ce que représenta le vrai punk rock. L’homme qui écrivit un jour "reality’s a dream" ne peut se permettre un disque simplement honnête. Je suis conscient de la difficulté de la tâche, savoir se départir de ces riffs salvateurs et retrouver le sens du danger. Surtout lorsque ces guitares cinglantes portent en elles tant de fantômes, ceux de la dernière révolution existentialiste et des morts au champ d’honneur, brûlés par la simple idée de devenir celui qu’on est. La rage ne meurt jamais, mais ne se trouve pas toujours dans une pédale fuzz.
Frédéric Antona
Flat-Pack Philosophy
Wish I Never Loved You
Sell You Everything
Reconciliation
I Don’t Exist
Soul Survivor
God, What Have I Done
Credit
Big Brother Wheels
Dreamin’
Sound of A Gun
Look at You Now
I’ve Had Enough
Betwen Heaven and Hell