Pour la promo de son troisième album solo, « Jacket Full of Danger », Adam Green reçoit les deux chroniqueurs de Popnews en fredonnant « Annie aime les sucettes ». Va-t-il jusqu’à siffloter « 99 Luftballons » lorsqu’il rencontre des journalistes en Allemagne ? Mystère. Des mystères, le chanteur new-yorkais n’en fera pas trop lors de cet entretien. Bavard, souriant et pas langue de bois, voici, après la nouvelle Eve, le nouvel Adam, cru 2006.
(Guilleret) Annie aime les soucet-tes, les sou-cettes à l’anis…
(Raclements de gorge) En France, on te considère à tort ou à raison comme l’un des fondateurs du courant anti-folk…
Mmh, c’est faux. J’ai découvert la scène anti-folk lorsque je jouais dans le métro, mais elle existait déjà bien avant ma naissance. Il y a toujours eu des types à la guitare qui jouaient leur truc dans leur coin. Moi, j’ai découvert la scène anti-folk, undergournd, il y a sept ans. En France, vous connaissez les Moldy Peaches, mais il y a d’autres très bons groupes aujourd’hui. Certains ont percé : Daniel Johnston, Suzanne Vega. Même Interpol et les Yeah Yeah Yeahs ont joué dans des soirées « open mic » organisées dans les cafés concerts. Ce sont des bons endroits pour tester ses nouvelles chansons : il y a toujours des petites salles bondées, avec un public avide de découvertes.
Aujourd’hui, te considères-tu toujours comme un représentant de cette scène ?
Pas vraiment. Avec « Friends of Mine », je suis encore un chanteur folk. Mais quand on dit « anti-folk », on ne parle pas d’un son, mais d’une façon qu’ont les artistes de cette scène d’aller dans la direction qu’ils ont choisie, et de faire leur route sans se soucier des modes. Au début, dans les années 1980, c’est vrai qu’il y avait ce son « punk acoustique » qui était commun à tout le monde. Mais aujourd’hui, ça a changé. Tout n’est plus basé sur les cafés trottoir et les scènes « open mic ». On va souvent dans les mêmes bars, mais on ne traîne pas ensemble. On fait nos propres concerts, maintenant… On n’a plus besoin de se produire dans des petits cafés. L’un des meilleurs groupes anti-folk, c’est Dufus, qui a un son complètement barré, un peu comme Captain Beefheart. Jeffrey Lewis en est un autre, mais dans un style folk plus traditionnel. Ou Turner Cody, ou Ish Marquez, qui est une sorte de Bob Marley, et Diane Cluck, qui sont géniaux. Tous sont différents. En France, vous avez Herman Düne, qui sont très bons.
A propos de Jeffrey Lewis, tu as lu sa BD ? Il décrit ses difficultés à se faire entendre, et il met en parallèle ton succès…
Je ne l’ai pas lue, celle-là… Il ne s’en sort pas si mal, quand même. C’est sûr que je vends plus de disques que lui, mais nous jouons des musiques différentes. Je ne pourrais pas composer comme lui : c’est très… « Jeffrey ». Et je ne pense pas que lui soit capable de faire ce que je fais.
Vous êtes amis ?
Oui, enfin… Je l’ai fait signer chez Rough Trade. Il peut pas m’en vouloir tant que ça !
Non, il ne t’en veut pas. Un peu jaloux, peut-être…
(Un brin agacé) Jeffrey a l’esprit de compétition. Je veux dire, il n’arrête pas de clamer qu’il est le meilleur chanteur folk du monde, il pense qu’il a plus de talent que tout le monde. Il a du talent, mais n’allez pas croire qu’il est modeste!
C’est comme dans le film « Dig! ». Il pense être le pauvre Anton Newcombe du Brian Jonestown Massacre, et toi, tu es le vilain Courtney Taylor des Dandy Warhols.
Ne m’en parle pas ! Courtney Taylor, j’aimerais ne l’avoir jamais croisé ! C’est le type le plus dégoûtant, le plus répugnant que j’aie jamais rencontré… « Mon groupe est le meilleur du monde, écoute mon album, c’est génial », c’est ce qu’il dit partout. J’ai écouté son dernier disque par curiosité, c’est affligeant.
Nous sommes étonnés par la métamorphose de ta voix sur « Jacket Full of Danger ». Elle paraît plus grave, plus solide, plus sûre d’elle qu’avant. Que s’est-il passé entre « Friends of Mine », « Gemstones » et cet album ?
Oui, c’est vrai, ma voix a changé. Je chante davantage avec l’estomac. Un truc que j’ai développé pendant mes tournées. Je n’avais aucune technique, au début…