RYAN ADAMS – Cold Roses, Jacksonville City Nights, 29
(Lost Higway / Universal) [site]
Trois albums (dont un double) en huit mois, une telle prolixité est rare et probablement inédite depuis le Prince des mid-eighties qui défouraillait sa semence royale au rythme plus raisonnable d’un disque annuel. Que Ryan Adams estime que chacune des chansons qu’il griffonne le matin au saut du lit vaut enregistrement est une chose, qu’un label censé gérer la rareté et susciter le désir le suive dans cette déferlante reste assez étonnant. Dès lors, maintenant que ces disques sont sur la table et qu’on a fait un petit tri (pas de quoi, c’était un plaisir), il n’est pas inutile de se repencher sur le millésime 2005 du bonhomme – d’autant qu’en dépit de sa mentalité de voleur de pommes, de ses concerts volontairement foirés et du groupe de Fonzies de l’Alabama qui l’accompagnait sur scène, on conserve un vieux fond d’affection pour ce compositeur alternativement fulgurant et pénible, et aussi fragile qu’il paraît mégalo.
Commençons comme il se doit par la fin, à savoir le dernier sorti "29", vendangé selon la méthode traditionnelle (en tout cas la même que pour "Love is Hell" de 2003) avec Ethan Johns aux manettes et, hormis un titre d’ouverture toutes guitares dehors, nimbé de pop languissante à base de cordes, de pianos et du délicat falsetto du Carolinien. C’est loin d’être indigne (c’est même le disque après lequel Ed Harcourt court depuis le début de sa carrière), mais il nous sera pardonné de n’éprouver qu’une passion modérée pour ces chansons, "Love is Hell" ayant dans ce domaine placé la barre trop haut pour que ce quasi-remake soit vraiment convaincant. Que cet album apparaisse à la fin du marathon ne surprendra personne : l’impression générale est celle d’un coureur de fond décidé à franchir la ligne, quel que soit l’état d’épuisement dans lequel il y parvient.
Les deux autres sont signés Ryan Adams & The Cardinals (son nouveau groupe) et cela tombe mal. Qu’ils appartiennent à l’ordre ecclésiastique ou à celui des passereaux, les cardinaux sont des êtres colorés et chatoyants. Ces Cardinals-là se révèlent pour leur part aussi solides, précis et discrets qu’on peut demander à des sidemen de l’être, et rappellent ainsi, en moins décatis, les membres du Buena Vista Social Club dont Catpower vient de s’entourer pour "The Greatest". Enveloppé dans une sublime pochette en simili-cuir bleu pétrole, "Cold Roses" (le double) baigne ainsi dans une atmosphère country-soul assez lumineuse, ce qui le rend très classique dans sa forme et très fluide à l’écoute – sans parler de l’effrayante capacité mélodique de son auteur, rarement aussi évidente. On pourra évidemment pinailler en constatant que "Cold Roses" révèle peu de moments susceptibles de figurer dans les anthologies à venir de Ryan Adams, à part peut-être les trois premiers titres et le merveilleux "Let it Ride", chaînon manquant entre JJ Cale et les Byrds. Mais tel qu’il est, avec sa cohérence et son homogénéité, l’album tient debout tout seul et vérifie l’adage selon lequel le tout est parfois supérieur à la somme des parties – ce qui vaut toujours mieux que l’inverse.
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Plus ambitieux, nettement plus retors, absolument splendide, "Jacksonville City Nights" est le premier album strictement country de Ryan Adams depuis… non, le premier, en fait. Et il l’est jusqu’à la moelle, que ce soit dans le vibrato tendance Merle Haggard- Hank Williams avec lequel il va chercher le refrain de "Peaceful Valley", les violons qui mordent les pedal-steels ou les larmes qui perlent à la fin de chaque couplet (le narrateur de "Silver Bullets" va chercher son fusil car "I can’t make you love me/And you can’t make me stay). Le modèle explicitement recherché (Adams n’a jamais été très doué pour cacher ses influences et sur celui-ci encore moins) est le Gram Parsons de "Grievous Angel", les chansons répondant comme des échos de douleur à "She" ou à "Sin City". La question du pastiche, d’ailleurs assez consubstantielle à la country en général, pourrait se poser – elle finit à la longue par battre en retraite devant ce song-writing immense et placide et cette voix qui extrait de ces thèmes archi-ressassés toute la substance émotionnelle qu’ils recèlent encore.
Où va Ryan Adams ? Aucune idée. Et si l’intéressé le sait, il ne laisse en tout cas aucun indice pour qu’on le devine. Il reste très volage sur le plan stylistique (un feu tricolore, en comparaison, c’est un modèle de constance) mais sa production est aujourd’hui suffisamment riche pour que cette versatilité soit canalisée. D’ailleurs, deux autres albums attendraient au chaud chez Lost Highway, et ce n’est même pas une blague.
Jean-Christophe Mauger
Cold Roses
Magnolia Mountain
Sweet Illusions
Meadowlake Street
When Will you Come Back Home
Beautiful Sorta
Now That you’re Gone
Cherry Lane
Mockingbird
How do You Keep Love Alive
Easy Plateau
Let it Ride
Rosebud
Cold Roses
If I am a Stranger
Dance All Night
Blossom
Life is Beautiful
Friends
Jacksonville City Nights
A Kiss Before I Go
The End
Hard Way to Fall
Dear John
The Hardest Part
Games
Silver Bullets
Peaceful Valley
September
My Heart is Broken
Trains
Pa
Withering Heights
Don’t Fail me Now
29
Twenty-Nine
Strawberry Wine
Night Birds
Blue Sky Blues
Carolina Rain
Starlite Diner
The sadness
Elisabeth you Were Born to Play that Part
Voices