PIGEON JOHN – Sings The Blues
(Basement Records) [site] – acheter ce disque
C’est l’un de ces disques qui, faute de publicité, s’est trouvé plus facilement disponible en MP3 pirate sur Internet qu’ailleurs. Le EP "South Bay Blues" accompagnait l’an dernier un recueil de poèmes du même nom sorti par Pigeon John, et c’était l’œuvre la plus belle, la plus sobre et la plus personnelle du membre de LA Symphony. Il ne comportait que huit titres, mais huit titres exceptionnels, huit titres dignes de "What is Love?!" et de "Emily", les meilleurs moments de l’album précédent, "Pigeon John is Dating your Sister". Et ce sont grosso modo les mêmes qui forment aujourd’hui la base de "Pigeon John Sings the Blues", le dernier disque sorti par le rappeur chez Basement Records avant sa carrière chez Quannum Projects.
Pigeon John chante le blues, nous révèle donc la pochette délicieusement rétro de ce dernier disque. Il se lance dans les grands sujets, l’amour ("Nothing Without You"), l’insignifiance de l’homme ("Matter 101") et tout ça, mais sur un ton badin et avec la dose d’humour déjà à l’œuvre sur les deux albums précédents. Ainsi sur "She Cooks Me Oatmeal", quand l’amoureux transi se montre finalement mû par des motivations pour le moins terre-à-terre : "You cook me oatmeal, you make me breakfast, and I miss you, ’cause I’m hungry". Ainsi encore sur "Upside Down Rotten, quand il modère ses propos de fêtard repenti : "I used to drink Bacardi and go to strip clubs (pause), and I still want to go to strip clubs". Pigeon John se livre et plaisante tour à tour. Et pour cela, il n’hésite pas à arpenter les chemins de traverse du hip hop. Il rappe et chante alternativement, avec un naturel tel qu’il n’est plus besoin de noter quand il passe d’un registre à l’autre. Ses titres sont tous éminemment enjoués ou mélodiques et il n’hésite pas à recourir à la guitare acoustique, voire aux cordes sur le classieux "The Grand Oli Waltz". Pigeon John contourne et détourne le rap, il fait son truc, et comme il le précise sur "Matter 101" ("I don’t care if the hip hop heads turn away and say Pigeon John has turned gay"), il se fiche bien des réactions.
Enfin, il s’en fiche… Pas complètement tout de même, car South Bay Blues n’est pas ressorti dans sa sobriété originelle. Parce qu’il ne fallait pas proposer le même disque, le rappeur a enrichi les instrumentations et ajouté de nouveaux morceaux. Malheureusement ces ajouts ne s’avéraient pas tous nécessaires. "You Can’t Have It", par exemple, se retrouve affublé d’une percussion irritante et superflue. Et quelques titres issus de l’album précédent ("Emily", "Identity Crisis" et un "Life Goes On" renforcé par Abstract Rude) se voient maltraités par des remixes sans imagination. En revanche, les purs inédits sont plutôt bons. Ainsi ce "Sleeping Giants" avec Eligh et The Grouch où il est question de la difficile course vers le succès, ou ces "Rainy Day" et "Draw Me Closer" à l’ambiance crépusculaire, très trip hop. Toutefois, ces nouveaux titres s’articulent mal avec les autres, ils sont d’un autre genre, d’une autre coloration. Cela ne colle pas, cela gâte légèrement la fraîcheur originelle de "South Bay Blues", même si avec une telle base "Pigeon John Sings the Blues" ne pouvait être autre chose que l’un des meilleurs albums hip hop (ou apparenté) de 2005.
Sylvain Bertot
Upside Down Rotten
Nothing Without You
Perfect Formality
She Cooks Me Oatmeal
Sleeping Giants (feat. The Grouch & Eligh)
Matter 101
You Can’t Have It!
The Grand Ol Waltz
Life Goes On (J-Boogie Remix – feat. Abstract Rude)
Emily (PJ All Day Remix)
Identity Crisis (In Like Flynn Remix)
Rainy Day (feat. RedCloud)
Draw Me