JASON HAVELOCK – Pop Symphony
(Euro-Visions / Abeille Musique) [site]
Ah, les seventies… Une époque où la musique pop s’est piquée de devenir un art, causant au passage la perte de son innocence initiale… La beauté des orchestrations de George Martin ou des arrangements de la Motown avait mené aux grandes épopées psychédéliques, mais également, de manière moins réjouissante, aux délires du rock progressif. De nombreuses chapelles musicales émergent, ayant chacune pour but de révolutionner le genre musical pop. Les concept-albums sévissant depuis quelques années dans le paysage musical, on vit alors émerger des œuvres élaborées par des compositeurs proto-classiques, auteurs de musiques de films basées sur des concepts, il faut bien le dire, parfois assez nébuleux et fumeux. En 1970, le rock, musique (et bien plus encore) faite par et pour d’éternels Peter Pan, avait un besoin fou de respectabilité.
On aboutit donc à des albums, qui, du point de vue de la sonorité globale, sont très ancrés dans l’époque (la basse très claquante jouée au médiator dans les aigus, les cuivres luxuriants et l’Hammond B3 à tous les étages), mais qui flirtent assez souvent avec un sentiment d’ennui profond. Basant son travail sur une idée assez proche du génial "Smile" de Brian Wilson (en gros, une symphonie dédiée aux éléments naturels), Jason Havelock, aka Eric de Marsan, déjà compositeur de BO des films de Melville, Costa Gavras ou Leconte, fait son entrée , avec cette "pop symphony", originellement parue en 1969, et rééditée aujourd’hui par Euro-visions, dans l’univers contesté de l’opéra-rock. Introduit par un rapide laïus sur l’idée de l’album, (déclamé façon Donovan sur "Atlantis"), le disque se déroule en trois parties ("The Meeting, Stone and Diamond", "The Fusion", "The Explosion"), nous contant l’évolution de la matière jusqu’à sa destruction. Cela aurait sans doute pu faire une très bonne musique de film, mais tel n’est pas le cas ici, et on s’ennuie ferme. Le troisième titre, qui ouvre le deuxième mouvement du disque, est extrêmement pénible, et sonne davantage comme un générique d’émission présentée par Michel Drucker que comme une "symphonie adolescente à Dieu". Ce son de cuivres, brrrrr… Ca partait pourtant bien, déconstruit, ambiance lourde et menaçante… Et d’un seul coup, on sombre dans le symphonisme bon marché. Quel gâchis !
On est loin du "Sacre du Printemps" de Stravinsky. Le problème de ce type d’album, c’est que l’on ne se trouve ni dans la musique pop à proprement parler (trop décousu pour cela… bien qu’étant un opéra-rock, "Tommy" des Who restait structuré en chansons pop individuelles), ni dans le classique (trop hybride). Le dossier de presse le rapproche du fameux "Enfant assassin des mouches" du formidable Jean-Claude Vannier, arrangeur de "Melody Nelson" ; il convient d’être plus mesuré. Bien qu’il comporte quelques bons moments (notamment "Joining" et "The Victory of the Stone"), "Pop Symphony" souffre de son caractère pompeux, et d’un manque flagrant de mise en danger, et de surprises. Et la culture pop a besoin de danger pour permettre à la magie de subsister. Cette production Pierre Cardin constitue un intéressant instantané de l’époque et de ses expérimentations tous azimuts, qui a, malheureusement, très mal vieilli.
Frédéric Antona
The Meeting, Stone, and Diamond
The Life of the Stone
Meeting
The Fusion
Waiting
Joining
The Explosion
The Impossibility
The Victory of the Stone